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L’héritier d’un associé décédé a pu adresser sa demande d’agrément au seul associé subsistant

Cass. com. 3-5-2018 n° 16-24.381

L’héritier d’un associé décédé peut adresser sa demande d’agrément à l’associé unique de la société, et non à la société elle-même comme le prévoient les statuts, dès lors qu’il s’agit de la seule personne habilitée à accepter ou à refuser l’agrément et que la société est dépourvue de représentant légal.

Les statuts d’une société civile dont le capital est réparti entre deux associés prévoient que « la société n’est pas dissoute par le décès d’un de ses membres. Elle continue entre les associés survivants et les héritiers ou ayants droit de l’associé décédé agréés. Tout héritier ou ayant droit qui le souhaite doit notifier à la société son intention de devenir associé dans les six mois du décès. L’agrément ou le refus d’agrément est délivré par décision collective extraordinaire des associés […] dans les 30 jours de la notification. A défaut de décision dans ce délai, l’agrément des héritiers ou ayants droit est réputé acquis ».

Au décès de l’un des associés, son héritier adresse, en l'absence de gérant, une demande d'agrément à l’associé survivant, lequel n'y répond pas. Par la suite, ce dernier conteste la qualité d’associé de l’héritier en relevant que la demande d’agrément n’a pas été adressée à la société comme l’exigent les statuts. L'associé survivant fait valoir que l'héritier a ainsi porté atteinte à la substance de son droit : certes il avait agi de mauvaise foi (il s'était opposé à la désignation en justice d'un mandataire ad hoc chargé de représenter la société), mais sa mauvaise foi ne pouvait pas faire échec à son droit.

La Cour de cassation écarte l'argument : l'associé survivant était, du fait du décès, la seule personne habilitée à accepter ou à refuser d’agréer l'héritier ; la demande d'agrément, quoi qu'adressée à lui et non à la société, était donc régulière et n'avait pas porté atteinte au droit du survivant d'accepter ou de refuser l'agrément sollicité.

A noter : 

Dans cette affaire, la question se posait de savoir si, en l'absence de représentant légal de la société, la notification pouvait valablement être adressée au seul associé subsistant. En principe, la réponse est négative car la personnalité morale de la société est distincte de celle de son associé unique. Notifier la demande à celui-ci n'équivaut donc pas à la notifier à la société.

Mais en l'espèce, l'associé n'avait pas soulevé cette objection. Il s'était prévalu de la jurisprudence établie interdisant au juge, même en cas de mauvaise foi d'une partie dans l'exécution d'un contrat, de porter atteinte à la substance des droits dont celle-ci est investie en vertu du contrat (notamment, Cass. com. 10-7-2007 n° 06-14.768). L'associé faisait valoir que le défaut de notification de la demande d'agrément à la société portait atteinte à la substance de son droit, sans préciser toutefois de quelle substance il s'agissait.

La substance des droits des parties était ici, pour l'héritier, le droit de demander l'agrément et, pour l'associé unique, le droit d'agréer ou non l'héritier. La forme de cet agrément (octroi ou refus par la société à qui la demande doit avoir été notifiée) ne concerne pas la substance de ces droits mais leur modalité d'exercice. Le défaut de notification à la société n'avait donc pas porté atteinte à cette substance, si bien que la notification litigieuse n'a pas été jugée irrégulière.