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Responsabilité pour insuffisance d'actif et solidarité fiscale du dirigeant peuvent se cumuler

Cass. com. 5-9-2018 n° 17-13.626

Un dirigeant peut être condamné pour faute de gestion à combler le passif résultant d'une fraude fiscale même s'il a déjà été condamné à payer au fisc l'impôt fraudé, solidairement avec la société.

Celui qui est pénalement condamné pour fraude fiscale peut être tenu solidairement avec le redevable légal de l'impôt fraudé au paiement de celui-ci et des pénalités (CGI art. 1745). En application de ce texte, le dirigeant d’une société reconnu coupable du délit de fraude fiscale pour avoir notamment soustrait celle-ci au paiement de la TVA, est condamné solidairement avec elle à payer au Trésor public la somme de 147 718 €. La société étant placée en liquidation judiciaire, le liquidateur demande la condamnation de l'intéressé à supporter l'insuffisance d'actif (C. com. art. L 651-2), à hauteur des 147 718 € de dette fiscale. Le dirigeant soutient alors qu'il ne peut pas être condamné à payer cette somme au titre de l'insuffisance d'actif alors qu'il demeure tenu de payer la même somme au fisc, pour la même faute, ce qui revient à le condamner à indemniser deux fois le même préjudice.

L’argument est rejeté par la Cour de cassation : la solidarité prononcée contre le dirigeant social en application de l’article 1745 du Code général des impôts constitue une garantie de recouvrement de la créance fiscale et ne tend pas à la réparation d’un préjudice. Elle ne fait pas obstacle à la condamnation de ce dirigeant à supporter, à raison de sa faute de gestion, tout ou partie de l’insuffisance d’actif de la société, comprenant la dette fiscale objet de la solidarité, la contribution du dirigeant à l’insuffisance d’actif entrant dans le patrimoine de la société débitrice pour être répartie au marc le franc entre tous les créanciers et la part du produit de la condamnation du dirigeant versée au Trésor s’imputant sur le montant de sa créance.

A noter : 

Il a déjà été jugé que la solidarité du paiement de l'impôt prévue par l'article 1745 du CGI n'est pas une sanction ayant le caractère d’une punition, mais une garantie pour le recouvrement des créances fiscales de l’administration (Cass. crim. 23-3-2016 no 14-88.507 ; CE 8-12-2017 n° 414303). Le dirigeant condamné à supporter l’insuffisance d’actif en application de l’article L 651-2 du Code de commerce auquel s'applique en outre la solidarité pour le paiement de droits fraudés n’a pas à payer deux fois. Les sommes versées par lui pour combler le passif entrent dans le patrimoine de la société et sont réparties entre tous les créanciers, dont l’administration fiscale, au marc le franc, c'est-à-dire au prorata du montant de leur créance (C. com. art. L 651-2, al. 4). La créance fiscale sera donc réglée au moins en partie par les sommes ainsi versées et pour le solde, l’administration fiscale pourra faire jouer la solidarité.