Actualités

Comblement de passif : entrée en vigueur de l’exonération pour simple négligence

Cass. com. 5-9-2018 n° 17-15.031

Le dirigeant d’une société dont la liquidation judiciaire était en cours au 11 décembre 2016, date d’entrée en vigueur de la loi Sapin 2, ne peut plus être condamné à supporter l’insuffisance d’actif pour avoir commis une simple négligence dans la gestion.

Le dirigeant d’une société en liquidation judiciaire peut être condamné à supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif de celle-ci s’il a commis une ou plusieurs fautes de gestion y ayant contribué (C. com. art. L 651-2, al. 1). Depuis la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016, une simple négligence dans la gestion de la société ne permet pas de condamner le dirigeant à combler le passif.

La Cour de cassation juge que, en l’absence de disposition contraire dans la loi Sapin 2, le texte qui écarte la responsabilité du dirigeant en cas de simple négligence est applicable immédiatement aux procédures collectives en cours et aux instances en responsabilité en cours. En effet, en application des articles 1 et 2 du Code civil, la loi nouvelle s’applique immédiatement aux situations et rapports juridiques établis ou formés avant sa promulgation, sauf si cette application méconnaît un droit acquis. Or, le caractère facultatif de la condamnation du dirigeant à supporter, en tout ou partie, l’insuffisance d’actif de la société exclut tout droit acquis du liquidateur judiciaire à la réparation du préjudice auquel le dirigeant a contribué par sa faute de gestion.

Par suite, le dirigeant d’une société mise en liquidation judiciaire le 2 décembre 2011 ne peut pas être condamné à supporter l’insuffisance d’actif, après le 11 décembre 2016, pour avoir été seulement négligent dans la gestion de la société.

A noter : Solution inédite. 

En principe, les lois entrent en vigueur à la date qu’elles fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication (C. civ. art. 1). En matière de procédure collective, leur entrée en vigueur est souvent fixée en fonction de la date d'ouverture de la procédure : soit elles s'appliquent aux procédures collectives en cours lors de la publication de la loi, soit elles s'appliquent à celles qui sont ouvertes à compter de cette publication. La cour d’appel de Versailles avait ainsi cru pouvoir considérer que l'exonération pour simple négligence n’était applicable qu’aux procédures collectives ouvertes après le 11 décembre 2016 (CA Versailles 7-11-2017 no 17/04229 ).

Cette solution était critiquable car, la loi Sapin 2 étant muette quant à la date d’entrée en vigueur de l’exonération pour simple négligence, l'article 1er du Code civil imposait de retenir que cette exonération s'appliquait à partir du 11 décembre 2016, quelle que soit la date d'ouverture de la procédure collective. Certes, la faute reprochée au dirigeant avait été commise avant l'entrée en vigueur de la loi mais, cette faute n'entraînant pas obligatoirement sa responsabilité, aucun droit à réparation n'était né avant cette loi, comme le souligne la Cour de cassation.