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Révision triennale du loyer commercial dans une résidence de tourisme

Cass. 3e civ. 25-10-2018 n° 17-22.129,

Ne constitue pas une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité justifiant la réduction du loyer payé par le locataire exploitant une résidence de tourisme la baisse des loyers payés par les exploitants de résidences de tourisme concurrentes.

La majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision triennale peut échapper à la règle du plafonnement lorsque la preuve est apportée d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative (C. com. art. L 145-38, al. 3).

Dans le cadre d'une opération de défiscalisation, les acquéreurs d'appartements en copropriété dans une résidence de loisirs d'une station de ski consentent un bail commercial à une société qui exploite ces appartements en les donnant en location à des touristes. A l'occasion de la révision triennale du loyer, cette dernière demande le déplafonnement et la révision à la baisse du loyer, invoquant une modification matérielle des facteurs de commercialité. Elle invoque les éléments suivants : quatre établissements concurrents de la station ont fait l'objet d'une procédure collective ; les nouveaux exploitants ont repris leurs fonds de commerce pour une valeur nulle et sont en mesure de pratiquer des prix très inférieurs aux prix antérieurs ; la société locataire est contrainte de s'aligner sur les nouveaux tarifs ayant cours dans la station, tout en continuant à payer aux copropriétaires les loyers indexés.

Ces arguments sont rejetés par la Cour de cassation : ne constitue pas une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, au sens de l'article L 145-38 du Code de commerce, la modification en faveur d'entreprises concurrentes, intervenues entre la date de fixation du loyer et celle de la demande de révision, de conventions auxquelles le bailleur et le locataire sont tiers. Le fait que quatre autres résidences de tourisme de la station aient renégocié les loyers versés à leurs propriétaires était une décision de gestion propre aux résidences concernées qui n'était pas opposable aux intéressés pour apprécier la commercialité de la résidence.

A noter : Il résulte de l'article R 145-6 du Code de commerce que les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire, etc. Cette définition donnée à propos du renouvellement des baux s'applique également à la révision triennale. Mais la modification est appréciée différemment dans l'un et l'autre cas. Alors que la modification des facteurs de commercialité a seulement besoin d'être notable pour justifier le déplafonnement du loyer du bail renouvelé (C. com. art. L 145-34), elle doit, dans la cadre de la révision du loyer initial, non seulement entraîner une variation de plus de 10 % de la valeur locative, mais aussi - et c'était l'enjeu en l'espèce - être « matérielle » (C. com. art. L 145-38). Elle doit ainsi porter sur des éléments concrets et certains, par exemple, la construction de parkings, de nouveaux logements, de voies de circulation ou la mise en place de moyens de transport. 

La baisse des loyers consentie aux exploitants des résidences de tourisme concurrentes constitue-t-elle une modification matérielle au sens de ce texte ? Non, répond la Haute Juridiction : une telle modification, concernant des contrats auxquels ni le bailleur ni le locataire ne sont parties, relève de l'environnement juridique, et non de l'environnement matériel des locaux. 

Dans ce type d'investissements, les propriétaires sont généralement des particuliers incités par des avantages fiscaux et qui se retrouvent captifs de leur locataire, souvent le promoteur immobilier de l’opération leur ayant fait réaliser l’acquisition et ayant rédigé le contrat de bail. Le propriétaire est donc économiquement moins fort que son locataire, et cela peut conduire à ne pas faciliter la révision judiciaire du loyer. 

Reste que, dans le cadre d'un renouvellement du bail, la question aurait peut-être reçu une réponse différente, la situation de la concurrence étant parfois prise en considération en tant que modification non matérielle de la commercialité.