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La rétractation du jugement ouvrant la procédure collective fait échec à l’arrêt des intérêts

Cass. com. 17-10-2018 n° 17-17.635

En cas de rétractation du jugement qui a ouvert la procédure collective d’une entreprise, cette dernière ne peut pas se prévaloir de l’arrêt du cours des intérêts résultant de l’ouverture de la procédure.

Après avoir été condamnée par une décision définitive à payer à un créancier une somme assortie d’intérêts contractuels, une société est mise sous sauvegarde. Sur tierce opposition du créancier, le jugement ouvrant cette procédure est rétracté un an et demi plus tard par une cour d’appel. La société est finalement mise en redressement judiciaire. Le créancier déclare sa créance avec les intérêts échus entre le jugement d’ouverture de la sauvegarde et la signification de l’arrêt de rétractation. La société conteste cette déclaration : le jugement ouvrant la sauvegarde a suspendu le cours des intérêts des prêts souscrits par la société pour plus d’un an (C. com. art. L 622-28) ; ce jugement était exécutoire malgré le recours dont il faisait l’objet ; la créance n’a donc pas pu générer d’intérêts tant qu’il n’était pas statué sur le recours.

La Cour de cassation rejette ce raisonnement. La rétractation d’un jugement prive rétroactivement ce dernier de tous ses effets ; la rétractation du jugement ouvrant la procédure de sauvegarde de la société avait mis fin à l’arrêt du cours des intérêts résultant de plein droit du jugement d’ouverture, en application l’article L 622-28 du Code de commerce ; la société ne pouvait donc pas bénéficier de l’arrêt du cours des intérêts contractuels à compter du jugement de sauvegarde.

A noter : Le jugement qui ouvre une procédure collective à l’encontre d’une entreprise a effet à l’égard de tous. Lorsque la tierce opposition formée contre ce jugement est accueillie, ce jugement est rétracté à l’égard de tous et pas seulement inopposable au tiers opposant pour les chefs du jugement qui lui étaient préjudiciables comme le prévoit l’article 591 du Code de procédure civile (Cass. com. 27-1-1981 n° 79-11.825 ; Cass. com. 13-2-2007 n° 06-11.510). 

La rétractation d'un jugement, comme son infirmation, a un effet rétroactif : le jugement disparaît et tout doit se passer comme s'il n'avait jamais existé (Cass. com. 26-1-2010 n° 09-10.244 ; Cass. com. 31-5-2016 n° 14-21.564). Le débiteur est considéré comme n’ayant jamais été en procédure collective. Il en a notamment été déduit que l’interdiction à compter du jugement d’ouverture de payer les créances antérieures (C. com. art. L 622-7) ne s’applique pas aux paiements effectués entre le jugement d’ouverture et la rétractation de celui-ci (Cass. com. 14-5-2002 n° 99-12.449 rendu sous l’empire de la loi du 25-1-1985 mais transposable au régime actuel). Il n’y a pas non plus lieu de faire application sur cette période de l’arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels pour les prêts conclus pour au moins un an ou pour les contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus (art. L 622-28).

Il est fait exception à l'anéantissement rétroactif du jugement pour certains effets liés à l'exécution provisoire de ce jugement qui sont maintenus. Ainsi, en cas d'infirmation du jugement d'ouverture, le liquidateur a néanmoins droit à la rémunération afférente à ses fonctions (Cass. com. 22-2-1994 n° 92-12.327) ; sa responsabilité ne saurait être engagée pour avoir exécuté sa mission et procédé à la cession des actifs de l'entreprise en liquidation (Cass. com. 30-10-2012 n° 07-10.648 ; Cass. com. 28-1-2014 n° 12-20.059). De même, le repreneur ne peut pas être poursuivi pour contrefaçon pour avoir utilisé les marques qu'il a acquises dans le cadre du plan pour la période précédant l'infirmation du jugement arrêtant ce plan (Cass. com. 15-9-2015 n° 14-20.531).