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Les clauses de déchéance du terme des prêts immobiliers ne sont pas toutes abusives

Cass. 1e civ. 28-11-2018 n° 17-21.625

N'est pas abusive la clause d'un contrat de prêt immobilier qui prévoit la déchéance du terme en cas de déclaration inexacte de l'emprunteur sur un élément essentiel ayant déterminé l'accord de la banque ou pouvant compromettre le remboursement du prêt.

Une banque consent un prêt à une personne physique en vue de l'achat d'un bien immobilier. Une clause du contrat prévoit l'exigibilité anticipée des sommes en cas d'inexactitude de l'une des déclarations de l'emprunteur sur des éléments essentiels ayant déterminé l'accord de la banque ou de nature à compromettre le remboursement du prêt, le prêteur devant avertir l'emprunteur par écrit de la mise en œuvre de cette clause. Se prévalant d'une fraude des emprunteurs, la banque prononce la déchéance du terme et demande le remboursement des sommes versées.

Une cour d'appel déclare la clause litigieuse abusive, aux motifs qu'elle confie au seul prêteur l'appréciation du caractère inexact des déclarations en le laissant décider si les éléments sur lesquels elles portent sont essentiels et si elles ont été de nature soit à déterminer l'accord de la banque, soit à compromettre le remboursement du prêt, et qu'une simple information de l'emprunteur suffit, sans ouvrir la possibilité d'une contestation par l'emprunteur du bien-fondé de la déchéance.

La Cour de cassation censure l'arrêt : la clause litigieuse ne prévoit la déchéance du terme que dans les cas précités, sans exclure le recours au juge, de sorte qu'elle vise à prévenir un défaut d'exécution de ses engagements par l'emprunteur ayant manqué à l'obligation de loyauté lors de la formation du contrat et n'a pas pour objet ni pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les parties.

A noter : Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat (C. consom. art. L 212-1 ; ex-art. L 132-1). Sont irréfragablement présumées abusives les clauses accordant au seul professionnel le droit de déterminer si le service fourni est conforme ou non aux stipulations du contrat ou lui confèrent le droit exclusif d’interpréter une quelconque clause du contrat. Par ailleurs, en matière de prêt immobilier, la Commission des clauses abusives recommande que soient éliminées des contrats les clauses ayant pour objet ou pour effet « de laisser croire que le prêteur peut prononcer la déchéance du terme en cas d’inobservation d’une quelconque obligation ou en cas de déclaration fausse ou inexacte relative à une demande de renseignements non essentiels à la conclusion du contrat, et sans que le consommateur puisse recourir au juge pour contester le bien-fondé de cette déchéance » (Recommandation n° 04-03 : BOCCRF du 30-9-2004). 

Ainsi, la Cour de cassation a récemment censuré un arrêt n'ayant pas recherché d'office le caractère abusif d'une clause autorisant la banque à prononcer l'exigibilité anticipée des sommes dues en cas de déclaration inexacte de l'emprunteur. Pour la Cour de cassation, une telle clause pouvait être de nature à laisser croire que la banque dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier l'importance de l'inexactitude de cette déclaration et que l'emprunteur ne peut pas recourir au juge pour contester le bien-fondé de la déchéance du terme (Cass. 1e civ. 10-10-2018 n° 17-20.441). 

Il résulte de l'arrêt commenté que toutes les clauses de déchéance du terme ne sont pas pour autant abusives, et que les banques peuvent se protéger du risque créé par la déloyauté de l'emprunteur, à condition de ne pas priver ce dernier de toute visibilité ou de toute possibilité de recours : tout est donc affaire de mesure et dépend de l'importance des informations qui, non révélées, sont susceptibles de provoquer l'exigibilité anticipée des sommes dues.