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Une caution hypothécaire ne peut plus être poursuivie après le terme de l'hypothèque

Cass. com. 19-12-2018 n° 17-20.958

Un cautionnement hypothécaire pris sur un bien pour une durée déterminée ne peut pas être mis en œuvre au-delà de ce terme, même pour une dette antérieure.

Les parents du gérant d'une société à laquelle une banque octroie un prêt se portent « cautions simplement hypothécaires » de son remboursement et consentent une hypothèque pour une durée de soixante mois (5 ans) sur un bien dont ils sont propriétaires.

Dix ans plus tard, la banque fait délivrer aux garants un commandement de payer valant saisie immobilière de l’immeuble ; les garants demandent l'annulation du commandement pour avoir été délivré après le terme de leur engagement. Une cour d'appel rejette leur demande et ordonne la vente forcée du bien, retenant que le fait que le créancier n’ait introduit son action qu'après la date limite de l’engagement des cautions est sans incidence sur leurs obligations, dès lors que la dette de la société est antérieure à cette date limite et que l’acte de cautionnement ne comporte aucune disposition restreignant dans le temps le droit de poursuite du créancier.

Censure par la Cour de cassation qui rappelle qu’une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers, n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui, n'est pas un cautionnement, lequel ne se présume pas (C. civ. art. 2292). En l'espèce, les garants qui s'étaient constitués « cautions simplement hypothécaires », n'avaient consenti qu'une sûreté réelle sans s'engager personnellement à rembourser le prêt souscrit par la société ; ils ne pouvaient donc pas être tenus après l'expiration du délai pour lequel ils avaient consenti cette sûreté.

A noter : Le cautionnement se caractérise par l’engagement personnel pris par la caution de régler le créancier si le débiteur cautionné ne le fait pas (C. civ. art. 2288). Il confère au créancier un droit de gage général sur les biens de la caution, le cas échéant, dans la limite du plafond convenu. En revanche, la garantie, dite improprement « cautionnement » réel ou hypothécaire, n’est rien d’autre qu’une sûreté réelle (hypothèque, nantissement ou gage, selon le cas) qui est consentie au profit d’un tiers par un garant sur l’un de ses biens et qui n’implique aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui (notamment, Cass. ch. mixte 2-12-2005 n° 03-18.210) ; seul ce bien est engagé (Cass. 1e civ. 25-11-2015 n° 14-21.332).

Le régime de ces deux garanties diffère sur bien des points, et l’arrêt ci-dessus en est une nouvelle illustration. 

Il a déjà été jugé qu’une caution qui a consenti une hypothèque, en précisant que son cautionnement sera seulement hypothécaire et que l'inscription hypothécaire sera requise pour une durée expirant à une date déterminée, ne peut plus être poursuivie après cette dernière date, dès lors que, passée cette échéance, plus aucun bien ne garantit son engagement (Cass. com. 12-5-1998 n° 96-17.026). Cependant, pour la première chambre civile de la Cour de cassation, les juges ne peuvent pas tenir un cautionnement hypothécaire pour expiré au seul motif qu'il ne peut pas être exercé au-delà de la durée de l'inscription hypothécaire, sans relever si l'engagement de la caution est lui-même expiré, car l'inscription peut être renouvelée tant que le cautionnement n'est pas à son terme (Cass. 1e civ. 12-1-2012 n° 10-18.669).Au cas particulier, il résultait clairement de l’intention des parties que les garants avaient consenti une hypothèque sur un immeuble pour une durée déterminée, de sorte que leur engagement devait expirer à la survenue du terme fixé, peu important, en outre, la date de l’inscription hypothécaire, celle-ci n'étant pas une condition de validité de l'hypothèque dans les rapports entre les parties mais juste une condition d’opposabilité aux tiers relevant de la publicité foncière. La caution personnelle est quant à elle tenue au paiement jusqu'à prescription de son engagement, laquelle, à défaut de disposition contraire, obéit au droit commun (cinq ans). Cette prescription court du jour de l'exigibilité de la créance garantie (Cass. com. 8-11-2011 n° 10-25.064) ou, pour un cautionnement à durée déterminée, à partir du terme fixé à son engagement (Cass. com. 5-10-1982 n° 81-12.595).

Une inscription hypothécaire peut aussi être l'accessoire d'un cautionnement personnel et, dans ce cas, permettre à la caution personne physique engagée à l'égard d'un créancier professionnel de bénéficier des dispositions protectrices du Code de la consommation.