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Portée d’une clause de cession d’actions prévue par un pacte d’actionnaires

Cass. com. 7-5-2019 n° 17-16.066 

L’actionnaire majoritaire qui s’est engagé, dans un pacte d’actionnaires, à racheter les titres d’un actionnaire minoritaire selon les modalités définies par le pacte ne peut plus remettre en cause la cession s’il n’a pas contesté le prix de cession dans les délais fixés par le pacte.

1. La Cour de cassation vient de se prononcer sur les obligations souscrites par les signataires d’un pacte d’actionnaires comportant une clause de sortie forcée.

Mécanisme prévu par le pacte

2. Le pacte liant les actionnaires d’une SA prévoyait que, en cas de cessation du mandat social d’un actionnaire minoritaire pendant la durée du pacte, l’intéressé s’engage irrévocablement à vendre les actions qu’il détient dans la société à cette date à l’actionnaire majoritaire, lequel s’engage irrévocable à les acquérir. Il définit les modalités de calcul du prix en retenant deux formules et il fixe des délais pour notifier les contestations du prix et, en cas de désaccord persistant entre les parties, pour saisir le président du tribunal de commerce afin qu’il désigne un expert chargé de fixer le prix.

3. Un 29 avril, un associé minoritaire quitte ses fonctions de président du directoire et, le 7 mai suivant, il réclame à l’actionnaire majoritaire le paiement du prix des actions qu’il a calculé en appliquant l’une des formules. L’actionnaire majoritaire conteste ce prix huit jours plus tard, puis sollicite la désignation d’un expert. Le minoritaire soutient que la contestation est irrecevable, faute d’avoir été formulée dans le délai prévu par le pacte, et qu’elle n’autorise donc pas l’actionnaire majoritaire à saisir le président du tribunal. Pour le minoritaire, la cession s’est donc formée à la date de la cessation de ses fonctions et au prix qu’il a notifié.

Notification de la contestation du prix de cession

4. La cour d’appel de Lyon ne suit pas ce raisonnement. Elle considère que l’obligation, prévue par le pacte, de notifier toute contestation du prix ne pesait pas spécialement sur l’acquéreur des actions mais sur toute partie concernée par le transfert de titres et que, cette notification n’ayant pas été faite, le délai prévu par le pacte pour la désignation de l’expert n’a pas couru.

Cassation de cette décision par la Haute Juridiction, qui juge que les termes du pacte étaient clairs et précis. Il stipulait en effet que « toute contestation, quel qu’en soit le contexte, portant sur le prix par valeur mobilière (…) devra être notifiée à tous les actionnaires, au cessionnaire désigné comme tel dans un projet de transfert, et à la [SA], au plus tard dans les 8 jours (…) de la réalisation de la condition prévue à l’article 8 », c’est-à-dire de la cessation des fonctions de « l’actionnaire minoritaire », et que « les parties concernées, à défaut d’accord amiable dans un délai de 8 jours à compter de la notification de la contestation, devront soumettre leur différend à un expert (…) désigné d’un commun accord, ou à défaut d’accord sur le choix de l’expert, à un cabinet d’expertise comptable (…) désigné par le président du tribunal de commerce de Lyon statuant en référé ».

Il incombait donc à l’actionnaire majoritaire, s’il voulait contester le prix des actions qu’il était tenu d’acquérir, de notifier cette contestation dans le délai de huit jours à compter de la cessation de fonctions de l’actionnaire minoritaire.

5. Si la clause du pacte était claire et précise, elle emportait des conséquences curieuses : le délai pour contester le prix courait non à compter du moment où le prix réclamé était connu du majoritaire, mais à compter du moment où il savait qu’il devait acquérir les parts. Elle le contraignait donc à contester le prix préventivement dans le délai requis. Une telle clause est à déconseiller.

Absence de faute de l’actionnaire cédant dans la mise en œuvre du pacte

6. La cour d’appel de Lyon avait estimé que l’actionnaire minoritaire, qui avait notifié le prix de cession le 7 mai, alors que le délai pour le contester avait expiré la veille, était mal fondé à reprocher à l’actionnaire majoritaire d’avoir tardé à contester ce prix.

Là encore, la Cour de cassation censure la décision : l’actionnaire minoritaire était seulement tenu par le pacte de remettre les actions dans un délai de 15 jours après la survenance de l’événement l’obligeant à les céder, ce qu’il avait fait ; à défaut d’avoir élevé une contestation sur le prix dans les formes et délais prévus par le pacte, l’actionnaire majoritaire était redevable du prix de cession déterminé dans les conditions contractuelles.