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Le dirigeant social n’est pas le mandataire de la société qu’il représente

Cass. com. 18-9-2019 n° 16-26.962 

Les dispositions spécifiques du Code civil sur le contrat de mandat ne régissent pas les rapports entre la société et le dirigeant. Celui-ci ne peut donc pas s’en prévaloir pour demander à la société de lui rembourser une indemnité qu’il a versée à un cocontractant de la société.

La Cour de cassation a posé pour principe que le dirigeant d’une société détient un pouvoir de représentation de celle-ci, d’origine légale. En conséquence, les dispositions spécifiques du Code civil régissant le contrat de mandat (art. 1984 s.) n’ont pas vocation à s’appliquer dans les rapports entre la société et le dirigeant.

La Cour a fait application de ce principe au cas suivant : un gérant de société en nom collectif avait été condamné à indemniser un tiers pour le préjudice qu’il lui avait causé à raison d’un contrat qu’il avait conclu au nom de la société et dont celle-ci avait tiré avantage. Ayant fait valoir à tort qu’il était le mandataire de la société, le gérant ne pouvait pas se prévaloir des règles du mandat pour demander à celle-ci de lui rembourser le montant de l’indemnité.

A noter

  1. Solution inédite qui vaut pour tout représentant légal de toute société ayant la personnalité morale (gérant de SARL ou de société civile, directeur général de société anonyme, président de société par actions simplifiée, etc.). La formule « mandat social » employée pour désigner l’exercice des fonctions de gestion et de direction d’une société ne doit pas être prise au pied de la lettre : elle n’est qu’une appellation descriptive qui n’emporte pas qualification juridique du contrat de mandat au sens du Code civil ; ainsi, le dirigeant social n’est pas le mandataire de la société puisque celle-ci, entité abstraite, n’a pas de volonté propre correspondant à celle d’un mandant qui charge un mandataire d’une mission qu’il détermine. A notre avis, l’exclusion de la qualification du mandat vaut non seulement pour les dirigeants ayant la qualité de représentant légal mais aussi pour tout autre « mandataire social » : par exemple, administrateurs et membres du conseil de surveillance de société anonyme. Relevons toutefois que, dans une décision publiée mais restée isolée, la Cour de cassation a considéré le dirigeant comme le mandataire de la société pour l’application de l’article 1993 du Code civil, qui impose au mandataire de rendre compte de sa gestion au mandant ; la Cour en a déduit la recevabilité de l’action par laquelle un liquidateur judiciaire d’une société réclamait au dirigeant de celle-ci, sur le fondement de l’obligation de rendre compte du mandataire, une somme versée par un client de la société et que le dirigeant avait conservée (Cass. com. 15-11-2016 no 15-16.070).
  2. En énonçant que le dirigeant social détient un pouvoir de représentation de la société, d’origine légale, l’arrêt ci-dessus confirme notre opinion selon laquelle ce pouvoir est entièrement défini par le droit des sociétés. Il en résulte que les règles générales du Code civil sur la représentation (art. 1153 s.), qui s’appliquent sous réserve des règles particulières propres aux contrats spéciaux (C. civ. art. 1105, al. 3), tel le contrat de société, ne peuvent pas régir le pouvoir de représentation du dirigeant social.