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Réseaux de franchise : une instance de dialogue social « minimaliste »

Loi 2016-1088 du 8-8-2016 art. 64

La loi Travail prévoit la mise en place, dans certains réseaux de franchise, d'une instance de dialogue social… dont les attributions seront réduites et les moyens, sauf accord du franchiseur et des entreprises franchisées, très limités.

Issu d'un amendement parlementaire repris par le Gouvernement, le projet d’instaurer une représentation du personnel spécifique au sein des réseaux de franchise s’est heurté à l’hostilité des franchiseurs et des franchisés. L'Assemblée nationale, puis le Gouvernement, ont donc apporté d'importants aménagements au dispositif … dont le Conseil constitutionnel, dans sa décision 2016-736 du 4 août 2016, a encore réduit la portée.

Le projet initial, qui comportait une représentation syndicale propre au réseau de franchise et la possibilité d'y négocier des accords collectifs, a été réduit à une instance de dialogue social. En outre, le Conseil constitutionnel, saisi par des parlementaires de l’opposition, a subordonné l’octroi d’heures de délégation aux membres de l'instance et la prise en charge de ses dépenses et frais de fonctionnement à l’accord du franchiseur et des entreprises franchisées.

Seuls certains réseaux de franchise seront concernés

2 Sont concernés par la mise en place d’une instance de dialogue social les réseaux d'exploitants d'au moins 300 salariés en France, liés par un contrat de franchise mentionné à l'article L 330-3 du Code de commerce, qui contient des clauses ayant un effet sur l'organisation du travail et les conditions de travail dans les entreprises franchisées (Loi 2016-1088 art. 64, I, al. 1).

Comme souligné au cours des débats en commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, « il y a réseaux de franchise et réseaux de franchise ». Certains sont à ce point intégrés que toute la gestion comptable et toute la gestion du personnel sont assurées par le franchiseur. Mais il existe aussi des franchises avec de véritables interlocuteurs indépendants. L'article 64 de la loi Travail vise les premiers.

Les acteurs de la distribution ont souligné les difficultés que suscite l’application de cette mesure. Tout d'abord, la notion de clause « ayant un effet sur l’organisation du travail et les conditions de travail des entreprises franchisées » est assez floue. La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a donné pour exemples l’obligation de porter la même tenue dans tout le réseau, les horaires d'ouverture des magasins, certaines incitations à la vente permettant une rémunération différenciée. Elle a précisé que l'instance de dialogue n’avait pas vocation à se substituer aux instances de représentation du personnel du franchisé (délégués du personnel, comité d’entreprise ...).

Ensuite, le nouveau dispositif ne concerne que le « contrat de franchise » mais l’article L 330-3 du Code de commerce auquel il renvoie vise plus généralement les contrats de distribution et ne mentionne pas le contrat de franchise, qui n’a d’ailleurs pas de définition dans notre droit actuel. Certains contrats de concession contiennent des clauses ayant un effet sur l’organisation et les conditions de travail des salariés des concessionnaires. Ces contrats échapperont au dispositif, sauf requalification par un juge du contrat de concession en contrat de franchise.

Une mise en place à la demande

La mise en place de l'instance de dialogue social doit être demandée par une organisation syndicale représentative au sein de la branche ou de l'une des branches dont relèvent les entreprises du réseau, ou ayant constitué une section syndicale au sein d'une entreprise du réseau.

Le franchiseur doit alors engager une négociation visant à cette mise en place (Loi 2016-1088 art. 64, I, al. 1).

A noter : La seule précision apportée par la loi Travail sur les parties à la négociation de l'accord est qu’elles comprennent, côté patronal, le franchiseur.
Le Conseil constitutionnel a précisé qu’elles doivent aussi inclure les entreprises franchisées (Cons. const. 4-8-2016 n° 2016-736 DC). Les autres points - modalités de représentation des franchisés, composition de la partie salariale – devront être traités par le décret d'application mentionné ci-après.

Des moyens à la discrétion du franchiseur et des franchisés

4 L'instance devra comprendre des représentants des salariés et des franchisés et être présidée par le franchiseur. Pour le reste, sa composition, le mode de désignation de ses membres et la durée de leur mandat seront précisés par l'accord de mise en place.

Celui-ci devra prévoir également la fréquence des réunions de l'instance, les heures de délégation octroyées à ses membres pour participer à l’instance et leurs modalités d'utilisation (Loi 2016-1088 art. 64, I, al. 2).

A défaut d'accord, le nombre de réunions de l'instance de dialogue sera de 2 par an et les autres caractéristiques mentionnées ci-dessus sont déterminées par décret en Conseil d'Etat (Loi 2016-1088 art. 64, I, al. 3 à 5).

A noter : Le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur avait méconnu l’étendue de sa compétence en prévoyant des heures de délégation spécifiques pour l’instance de dialogue sans en encadrer le nombre. Il en a conclu que le pouvoir réglementaire n’était pas autorisé « à prévoir, pour la participation à cette instance, des heures de délégation supplémentaires, s’ajoutant à celles prévues pour les représentants des salariés par des dispositions législatives en vigueur. ». En d’autres termes, sauf accord du franchiseur et des franchisés, les représentants salariés à l’instance n’ont pas de crédits d’heures (Cons. const. 4-8-2016 n° 2016-736 DC).

6 Lors de sa première réunion, l'instance devra adopter un règlement intérieur déterminant ses modalités de fonctionnement (Loi 2016-1088 art. 64, I, al. 7).

Les membres de l'instance devront être dotés de moyens matériels ou financiers nécessaires à l'accomplissement de leurs missions.

Les dépenses de fonctionnement de l'instance et d'organisation des réunions, ainsi que les frais de séjour et de déplacement seront pris en charge selon des modalités fixées par l'accord (Loi 2016-1088 art. 64, I, al. 6).

A noter : Le texte adopté par le Parlement prévoyait de mettre à la charge du seul franchiseur, à défaut d’accord entre celui-ci, les représentants des salariés et ceux des franchisés, les dépenses de fonctionnement de l’instance, d'organisation des réunions, ainsi que les frais de séjour et de déplacement. Cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel qui a jugé qu’elle portait une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre, eu égard à l’absence de communauté de travail existant entre les salariés des différents franchisés (Cons. const. 4-8-2016 n° 2016-736 DC).

Des attributions limitées

8 Lors de ses réunions, l'instance devra être informée des décisions du franchiseur de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail ou les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle des salariés des franchisés. Elle devra aussi être informée des entreprises entrées dans le réseau ou l'ayant quitté (Loi 2016-1088 art. 64, I, al. 8 et 9).

Elle formulera, à son initiative, et examinera, à la demande du franchiseur ou de représentants des franchisés, toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d'emploi et de formation professionnelle des salariés dans l'ensemble du réseau, ainsi que des conditions dans lesquelles ils bénéficient de garanties collectives de prévoyance complémentaire et de retraite supplémentaire (Loi 2016-1088 art. 64, I, al. 10).

Une entrée en vigueur différée

Les dispositions ci-dessus entreront en vigueur une fois paru le décret en Conseil d'Etat devant fixer leurs modalités d'application, en particulier le délai dans lequel le franchiseur devra engager la négociation pour mettre en place l'instance de dialogue social (Loi 2016-1088 art. 64, I, al. 11).