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L’établissement secondaire consistant en un établissement permanent doit être immatriculé au RCS

Cass. crim. 28-3-2017 no 16-81.944 F-PB

Le chef d’entreprise ouvrant un établissement secondaire consistant en un établissement permanent, distinct de l'établissement principal qu’il dirige, sans l’immatriculer au registre du commerce et des sociétés est coupable du délit de travail dissimulé.

Dans cet arrêt, la chambre criminelle de la Cour de cassation a été conduite pour la première fois à préciser les contours de la notion d’établissement permanent visée à l’article R 123-40 du Code de commerce.

En l’espèce, il était reproché à un chef d’entreprise d’avoir ouvert un établissement secondaire sans avoir requis son immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Le prévenu faisait grief à l’arrêt d’appel de l’avoir condamné du chef de travail dissimulé, soutenant que le caractère permanent d’un établissement s’apprécie au regard de la durée de son exploitation de sorte que, dans le cas où, comme en l’espèce, cette durée est par avance limitée dans le temps, l’établissement ne peut pas être tenu pour permanent.

Si la question est inédite à ce jour en jurisprudence, le Comité de coordination du registre du commerce et des sociétés (CCRCS) - saisi de la question de savoir si l’obligation de solliciter une immatriculation s’appliquait en cas d’ouverture d’une « boutique éphémère » - a émis l’avis que la notion de permanence est relative à la réalité physique de l’établissement, au même titre que son caractère distinct du siège social ou de l’établissement principal, et non à la durée de l’activité qui y est exercée par un même exploitant (Avis CCRCS 27-11-2015 n° 2015-027).

Cet avis, s’il ne lie pas la chambre criminelle de la Cour de cassation, peut toutefois se prévaloir d’une jurisprudence bien assise de cette dernière selon laquelle - en conformité avec l’article L 121-1 du Code de commerce définissant les commerçants comme ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle - l’immatriculation est obligatoire, dès que l’activité présente un caractère de répétition et de durabilité se traduisant par des actes non isolés (Pour des applications : Cass. crim. 18-6-1996 no 95-85.613 D ; Cass. crim. 8-2-2000 no 99-82.109 ; Cass. crim. 11-10-2000 no 99-85.286 ; Cass. crim. 30-3-2016 no 15-81.478).

C’est donc logiquement que la chambre criminelle de la Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle affirme que, dès lors que l'établissement secondaire ouvert par le prévenu a consisté en un établissement permanent, distinct de l'établissement principal qu'il dirige, la méconnaissance de l'obligation de procéder à cette immatriculation dans les délais légaux constitue, selon le premier paragraphe de l'article L 8221-3 du Code du travail, l'une des formes du délit de travail dissimulé par dissimulation d'activité incriminé par ce texte.

A notre avis : Cette solution s’explique par les impératifs de transparence et de sécurité du droit commercial. Dès lors qu’un établissement, même temporaire, n’est pas immatriculé, cette double finalité de transparence et de sécurité du registre du commerce et des sociétés se trouve compromise. La solution contraire ouvrirait la voie à de nombreuses fraudes. Comme le souligne l’Avocat général dans ses conclusions, pour contourner l’exigence d’immatriculation, il suffirait, pour une entreprise, d’organiser son activité sur plusieurs sites fonctionnant de manière intermittente.