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Evaluation du préjudice en cas de rupture brutale de relations commerciales

Cass. com. 1-3-2017 n° 15-20.848

Un distributeur ne subit pas de préjudice en cas de rupture brutale de la relation commerciale avec son fournisseur si, durant le préavis, la relation s’est maintenue dans les conditions antérieures grâce à la vente des stocks de marchandises constitués avant la rupture.

Un distributeur qui assure depuis huit ans la commercialisation à titre exclusif en France de produits d'un fabricant étranger apprend le 20 novembre 2008 la création, à la fin de la même année, d’une filiale chargée de la distribution des produits en France. Il engage à l’encontre du fournisseur une action en réparation pour rupture brutale de relations commerciales établies (C. com. art. L 442-6, I-5°).

Une cour d’appel rejette cette demande. Elle considère d’abord que le distributeur devait bénéficier d’un préavis de six mois, à compter du 20 novembre 2008, puis relève que, de janvier à juin 2009, son fournisseur lui a livré des produits, correspondant à des commandes effectuées entre septembre et décembre 2008, et que le montant cumulé de ces livraisons a dépassé 1,5 million d'euros. La marge opérée sur ces ventes, effectuées durant l'exécution du préavis, doit être déduite de l'indemnité de rupture brutale ; or, en appliquant un taux de marge de 42 %, la marge réalisée dépasse l'indemnité sollicitée par le distributeur.

La Cour de cassation approuve cette décision : la relation commerciale s'étant maintenue dans les conditions antérieures pendant la durée du préavis, la cour d'appel a pu retenir que le distributeur n'avait pas subi de préjudice.

A noter : Cette solution est à rapprocher d’un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation sur le fondement du droit commun des contrats (Cass. com. 9-11-2010 n° 09-15.889). Dans cette affaire, un concessionnaire exclusif reprochait à un fabricant d'avoir mis fin brutalement à leurs relations commerciales et une cour d'appel, pour faire droit à la demande d'indemnisation du concessionnaire, avait retenu que le fabricant avait certes annoncé un préavis suffisant au regard de l'ancienneté de l'exclusivité mais en réalité avait rendu ce préavis ineffectif en refusant au concessionnaire de passer de nouvelles commandes pendant la durée de celui-ci. La Cour de cassation a censuré cette décision, considérant que la cour d’appel aurait dû rechercher si le concessionnaire n'avait pas pu, compte tenu du stock dont il disposait, continuer à assurer la distribution exclusive des produits du fabricant jusqu'à la fin du préavis. 

Bien que rendues sur des fondements juridiques différents, ces deux décisions retranscrivent la même idée : dès lors que l'activité du partenaire peut se poursuivre dans le respect des conditions antérieures, le préavis doit être considéré comme effectif, et le partenaire évincé ne peut pas profiter de cette période pour gonfler artificiellement ses commandes et se donner ainsi la possibilité de prolonger son activité au-delà de la date d'expiration du contrat.