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Contrat d’assurance « homme-clé » mixte : la fraction de la prime couvrant le risque décès est immédiatement déductible

CE 31-3-2017 n° 387209

Les primes versées en exécution d’un contrat d’assurance « homme-clé » mixte sont déductibles immédiatement à hauteur de la fraction destinée à couvrir le risque de décès de cet « homme-clé », pourvu que la société en justifie le montant.

Une société peut être amenée à conclure un contrat d’assurance afin de se prémunir contre le risque de pertes de recettes d’exploitation qu’engendrerait le décès (ou l’incapacité) d’un « homme-clé » jouant un rôle déterminant dans le fonctionnement de l’entreprise (un dirigeant par exemple).

Lorsque le contrat (ou un contrat souscrit concomitamment) prévoit que l’assureur s’engage en outre à verser un capital en cas de non-survenance du risque décès à une date déterminée, le contrat est dit « mixte ».

Les primes peuvent être ventilées pour identifier la fraction immédiatement déductible…

Sur le plan comptable, la prime versée au titre d'une assurance mixte (décès/vie) souscrite sur la tête d'un dirigeant constitue :

  • une charge (à comptabiliser dans un sous-compte à créer 6169 « Assurance décès »), pour la quote-part couvrant la garantie en cas de décès ;
  • un prêt (à comptabiliser dans une subdivision à créer du compte 2748 « Autres prêts »), pour la quote-part correspondant à l’épargne réalisée jusqu’au jour du versement du capital.

Le Conseil d’Etat vient de juger, s'agissant d’une telle assurance, que cette répartition même permet d’identifier la quote-part de la prime immédiatement déductible au plan fiscal. Ainsi :

  • la fraction de la prime ayant pour objet de prémunir la société contre le risque de décès de l’« homme-clé » est déductible immédiatement en application de l'article 39 du CGI, dès lors qu’elle permet de se prémunir contre le risque de pertes de recettes d’exploitation ;
  • contrairement à la fraction de la prime appelée à faire l’objet d’un reversement sous la forme d’un capital en cas de non-survenance du risque à l’échéance, qui n’est déductible, globalement, qu’au titre de l’exercice de la réalisation du risque assuré ou, à défaut, de l'expiration du contrat.

En l’espèce, le reversement du capital était prévu par un contrat personnellement souscrit par le dirigeant auprès de l’assureur. Selon le Conseil d’Etat, le schéma contractuel ainsi retenu caractérise une opération de placement, même si la société était insusceptible d’en bénéficier, puisque seul le dirigeant avait vocation à obtenir la disposition du capital à l’échéance.

Cette décision s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence du Conseil d’Etat qui a déjà admis la déductibilité immédiate des primes payées annuellement par une clinique en exécution d’un contrat d’assurance décès « homme-clé » la prémunissant contre une diminution de recettes liée au décès d’un chirurgien exerçant dans son établissement (CE 29-7-1998 n° 108244). Le Conseil d’Etat ne distingue pas suivant que l’indemnisation est déterminée en fonction du préjudice effectivement subi ou de manière forfaitaire, alors que la doctrine administrative, quant à elle, n’admet la déduction des primes que dans la première situation.

A noter : Le Conseil d’Etat infirme ainsi la position de l'administration selon laquelle :

  • les contrats d’assurance mixtes constituent exclusivement des opérations de placement ;
  •  et les primes correspondantes sont donc déductibles :
  • non pas au titre des exercices au cours desquels elles sont payées ;
  • mais globalement au titre de l’exercice de la réalisation du risque assuré ou, à défaut, de l'expiration du contrat.

… à condition que leur répartition soit justifiée en fonction des risques couverts

Le Conseil d’Etat précise dans l’affaire jugée en 2017 que :

  • dans la mesure où seule la fraction de la prime destinée à couvrir le risque décès est immédiatement déductible, il appartient à la société d’en justifier le montant ;
  • si elle n’est pas en mesure de justifier la fraction se rapportant à l’assurance décès, c’est l’intégralité de la prime qui est non déductible immédiatement.

Le Conseil d’Etat ne donne toutefois aucune indication sur la méthode à suivre pour réaliser cette estimation.

A notre avis : La répartition de la prime devrait pouvoir être aisément réalisée en utilisant les méthodes assurantielles classiques permettant d’apprécier la probabilité que l’assuré soit encore en vie à la date fixée dans le contrat.  Ainsi, dans un (assemblage de) contrat(s) rendant quasi certaine la restitution des sommes versées à l’assuré (comme c’était le cas dans cet arrêt), l’ensemble de l’opération est à qualifier de placement et la prime doit être comptabilisée au bilan.

Le Conseil d’Etat condamne clairement par la présente décision la pratique consistant à déduire une prime globale couvrant pour l’essentiel une opération de placement appelée à bénéficier au dirigeant en cas de vie de celui-ci à l’échéance du contrat.

En tout état de cause, lorsqu’elles souhaitent adhérer à des contrats mixtes, les entreprises doivent donc veiller à la répartition claire (dans les contrats ou auprès de leur assureur) entre les primes couvrant le risque décès et celles correspondant à un placement.