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Influence du régime matrimonial sur la disproportion du cautionnement donné par un époux

Cass. com. 24-5-2018 n° 16-23.036

Cass. com. 6-6-2018 n°16-26.182

Le cautionnement donné par un époux commun en biens doit être proportionné à ses biens, dont les biens communs incluant les salaires de son conjoint. Mais si la caution est mariée sous le régime de la séparation, il n’est tenu compte que de ses biens et revenus personnels.

Un créancier professionnel ne peut pas se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation (C. consom. art. L 332-1 et L 343-4 ; ex-art. L 341-4).

I. Un époux commun en biens se porte caution du remboursement d’un prêt bancaire octroyé à une société. Son épouse consent à la garantie. Poursuivi en exécution de son engagement après la mise en liquidation judiciaire de la société, la caution invoque la disproportion de son engagement.

La cour d’appel de Toulouse retient l’existence d’une disproportion en prenant en considération la part de la caution dans les biens communs et non le patrimoine et les revenus du couple.

La Cour de cassation censure cette décision. La disproportion du cautionnement souscrit par un époux commun en biens s’apprécie par rapport aux biens et revenus de celle-ci, sans distinction et sans qu’il y ait lieu de tenir compte du consentement exprès du conjoint donné conformément à l’article 1415 du Code civil, qui détermine seulement le gage du créancier. En conséquence, doivent être pris en considération tant les biens propres et les revenus de la caution que les biens communs, incluant les revenus de son conjoint.

A noter : Un époux commun en biens qui se porte caution n’engage que ses biens propres et ses revenus ; néanmoins, si l’autre époux a donné son consentement exprès à cet engagement, les biens communs du couple sont également engagés mais pas les biens propres de l’époux consentant (C. civ. art. 1415). Statuant dans un cas où un tel consentement faisait défaut, la Cour de cassation a jugé que la disproportion du cautionnement s’apprécie au regard des biens de l’époux souscripteur, sans distinction, y compris donc les biens dépendant de la communauté, même si le créancier ne peut pas poursuivre ceux-ci en en l’absence du consentement du conjoint au cautionnement (Cass. com. 15-11-2017 n° 16-10.504). Il en résulte que la disproportion ne s’apprécie pas au regard de l’étendue du gage du bénéficiaire du cautionnement fixée par l’article 1415 du Code civil. Dans cette nouvelle décision, la Cour de cassation retient les mêmes principes dans l’hypothèse où le conjoint de la caution a consenti à la garantie. Elle revient ainsi sur un précédent arrêt où elle avait limité la prise en compte des biens communs au seul cas où le consentement de l’autre époux avait étendu le gage du créancier à ces biens (Cass. com. 22-2-2017 n° 15-14.915). Par ailleurs, la Haute Juridiction rappelle que les salaires constituent des biens communs (C. civ. art. 1401 ; Cass. 1e civ. 8-2-1978 n° 75-15.731). Il en est de même de tous les revenus professionnels, même s'ils proviennent de l'exploitation d'un fonds propre (Cass. 1e civ. 14-11-2007 n° 05-18.570). Ceux perçus par l’époux de la caution doivent donc être pris en compte pour l’appréciation de la proportionnalité du cautionnement.

II. Une cour d’appel refuse de retenir la disproportion du cautionnement donné par un époux marié sous le régime de la séparation de biens. Selon elle, même si le cautionnement représente deux années et demie de revenus professionnels de l’époux, il n’est pas manifestement disproportionné aux biens et revenus de celui-ci dès lors que sa femme perçoit un revenu fixe et est propriétaire d’un bien immobilier, ce qui lui permet de contribuer dans de larges proportions à la subsistance de la famille et d’assurer son logement.

Cassation de cette décision par la Cour suprême : la disproportion éventuelle de l’engagement d’une caution mariée sous le régime de la séparation des biens s’apprécie au regard de ses seuls biens et revenus personnels. La cour d’appel ne pouvait donc pas déduire que l’engagement de la caution était proportionné à ses biens et revenus du fait que son conjoint séparé de biens était en mesure de contribuer de manière substantielle aux charges de la vie courante.

A noter : Lorsque la caution est mariée sous le régime de la séparation de biens, ne sont pris en compte que le patrimoine et les revenus de celle-ci (Cass. 1e civ. 25-11-2015 n° 14-24.800). La chambre commerciale de la Cour de cassation retient la même solution au visa de l’article 1536 du Code civil. En vertu de ce texte, chacun des époux séparés de biens reste seul tenu des dettes nées de son chef avant ou durant le mariage, sauf pour les dettes liées à l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, pour lesquelles les époux sont solidaires. Si les époux, séparés de biens, détiennent un bien en indivision, la seule fraction des droits indivis détenus par l’époux qui souscrit le cautionnement doit, à notre avis, être prise en considération.