Information des salariés sur la vente de leur entreprise : nouveau régime à compter du 1er janvier 2016
Décret 2015-1811 du 28-12-2015
Décret 2016-2 du 4-1-2016
Deux décrets tirent les conséquences des modifications apportées par la loi Macron au dispositif d’information des salariés en cas de cession de leur entreprise, permettant l’entrée en vigueur du nouveau dispositif au 1er janvier 2016.
La loi 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire, dite « loi Hamon », a imposé aux entreprises de moins de 250 salariés deux obligations d'information de son personnel en matière de reprise d'entreprise. La première, ponctuelle, vise à informer les salariés sur un projet concret de cession de leur PME. L'autre, périodique, porte sur les conditions d'une telle reprise.
Le dispositif, qui a fait l’objet de nombreuses critiques, a été modifié par l'article 204 de la loi pour la croissance et l’activité (loi « Macron »). La publication de deux décrets d’application permet l’entrée en vigueur de ces modifications.
L'obligation ponctuelle d'information
La loi Macron a restreint le champ d’application du dispositif d’information : ce ne sont plus toutes les cessions d’entreprise qui sont visées (donation, échange, apport, etc.), mais seulement les ventes.
La loi a également prévu de sécuriser les modalités d’information des salariés par le chef d’entreprise, au moins deux mois avant la vente. Elle a en effet précisé que, lorsque l’information sur le projet est donnée aux salariés par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la date de réception de l'information est celle de la première présentation de la lettre (et non celle apposée par la Poste lors de la remise de la lettre à son destinataire).
Le décret du 28 décembre 2015 tire les conséquences, au plan formel, de ces dispositions, et modifie en conséquence le Code de commerce.
L’article 204, II de la loi Macron et les modifications issues du décret entrent en vigueur le 1er janvier 2016.
Le décret du 28 décembre 2015 précise que, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, pour le calcul du délai minimal d’information des salariés de deux mois avant la vente, il faut s’attacher à la date de conclusion du contrat de vente et non à celle du transfert de propriété (C. com. art. D 141-3 et D 23-10-1 modifiés). Il y a bien lieu de s’interroger sur la définition accordée à la notion de contrat de vente par la législation : s’agit-il de l’instrumentum définitif (ordre de mouvement ou acte de cession) ou alors de tout accord préalable valant vente en ce qu’il aura notamment traduit un accord sur la chose et le prix (compromis, protocole d'accord, promesse...) ? Cette modification du texte ne sera pas sans entraîner des difficultés pratiques si cette seconde interprétation devait être retenue en imposant une information pour le moins anticipée alors que, bien souvent, lorsque le vendeur et l’acquéreur sont tombés d’accord sur le principe de la cession, ils souhaitent immédiatement formaliser par un écrit succinct leurs positions respectives. Cette lourdeur paraît d’autant plus douteuse qu’il sera rappelé que ladite information n’est en aucun cas un droit de préemption accordé au salarié.
Rappelons que la loi a également modifié le dispositif de sanction du non-respect par le chef d’entreprise de son obligation d’information. A l’origine, ce manquement était sanctionné par la nullité de la cession. A compter du 1er janvier 2016, la sanction applicable en cas d’action en responsabilité devant le juge consiste en une amende civile d’un montant maximal de 2 % de la vente.
A noter La sanction consistant en une nullité de la vente avait été annulée par le Conseil constitutionnel à effet du 19 juillet 2015 (Cons. const. 17-7-2015 n° 2015-476 QPC). Cette décision s’appliquait à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date. L’entrée en vigueur du nouveau dispositif étant fixée au 1er janvier 2016, aucune sanction ne devrait s’appliquer pour la période comprise entre le 19 juillet et le 31 décembre 2015.
Il sera ici rappelé que la sanction de la nullité, lourde dans ses conséquences, était soumise à un délai de prescription de deux mois, ce qui permettait d’assurer rapidement une certaine sécurité juridique. En supprimant ce délai de prescription et en partant du principe d’une action en responsabilité, que l’on imagine délictuelle, la prescription est désormais portée à cinq ans !
L'obligation périodique d'information (triennale)
La loi du 31 juillet 2014 a imposé aux PME de fournir à leurs salariés, tous les 3 ans, une information générale sur les possibilités et conditions de reprise d’une entreprise. La loi Macron a complété le dispositif afin que les salariés soient sensibilisés aux réalités économiques et financières de leur entreprise.
Le décret du 4 janvier 2016 détaille le contenu de cette information et ses modalités de transmission. Ses dispositions entrent en vigueur le 6 janvier 2016.
Champ d'application
L’obligation triennale d’information s’applique dans les sociétés commerciales de moins de 250 salariés. Cette condition d’effectif s’apprécie dans les conditions de droit commun, fixées par les articles L 1111-2 et L 1111-3 du Code du travail.
Nature des informations
L’information donnée tous les 3 ans aux salariés comprend les éléments suivants :
- les principales étapes d'un projet de reprise d'une société, en précisant les avantages et les difficultés pour les salariés et pour le cédant ;
- une liste d'organismes pouvant fournir un accompagnement, des conseils ou une formation en matière de reprise d'une société par les salariés ;
- les éléments généraux relatifs aux aspects juridiques de la reprise d'une société par les salariés, en précisant les avantages et les difficultés pour les salariés et pour le cédant ;
- les éléments généraux en matière de dispositifs d'aide financière et d'accompagnement pour la reprise d'une société par les salariés.
Sur ces points, l’obligation d’information peut être satisfaite par l’indication de l’adresse électronique d’un ou plusieurs sites internet comportant ces informations.
Les salariés doivent également recevoir une information générale sur :
- les principaux critères de valorisation de la société, ainsi que la structure de son capital et son évolution prévisible ;
- le cas échéant, le contexte et les conditions d'une opération capitalistique concernant la société et ouverte aux salariés.
Modalités de transmission
L’information est présentée aux salariés par le représentant légal de la société ou son délégataire. Elle leur est transmise au cours d’une réunion à laquelle les salariés doivent être convoqués par tout moyen leur permettant d’en avoir connaissance : lettre recommandée avec demande d'avis de réception, lettre remise en main propre contre décharge ou encore courriel avec accusé de réception.
L’information peut être présentée par écrit ou oralement. Pour des questions de preuve, on conseillera au chef d’entreprise de remettre un écrit aux salariés.