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Intégration Fiscale : la taxation d’une quote-part de frais et charges sur les dividendes de filiales est généralisée

Loi 2015-1786 du 29 décembre 2015 art. 40

La neutralité des distributions internes à un groupe intégré placées sous le régime mère-fille est supprimée pour les exercices ouverts à compter du 1-1-2016. Ces distributions sont soumises à la taxation d'une quote-part de frais et charges fixée à 1 % de leur montant.

1. L’article 40 de la loi de finances rectificative pour 2015 met fin à la neutralité fiscale des distributions internes à un groupe d’intégration fiscale qui sont placées sous le régime des sociétés mères et filiales. Ces distributions sont soumises à la taxation d’une quote-part de frais et charges fixée à 1% de leur montant. Un régime identique est prévu pour les dividendes répartis par des filiales établies dans l’Union européenne ou l’Espace économique européen qui, si elles étaient implantées en France, rempliraient les conditions pour être membres d’un groupe fiscal.

Ces dispositions s’appliquent aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016. Sont en pratique concernés les dividendes versés au cours des exercices ouverts à compter de cette date.

Le régime actuel permet une neutralité complète des distributions de filiales détenues à 95 %

2. Le régime des sociétés mères et filiales, prévu aux articles 145 et 216 du CGI, permet aux sociétés mères qui remplissent les conditions prévues à ces articles de bénéficier de l’exonération des produits de participation reçus de leurs filiales, sous réserve de la taxation d’une quote-part de frais et charges fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d’impôt compris.

En application de l’article 223 B du CGI, les quotes-parts de frais et charges comprises dans les résultats individuels des sociétés membres d’un groupe fiscal, formé en application des articles 223 A ou 223 A bis du CGI, sont neutralisées pour déterminer le résultat d’ensemble du groupe lorsqu’elles correspondent à des produits de participations reçus de filiales membres du groupe depuis plus d’un exercice. Il en résulte en pratique que quelle que soit la structure de l’organigramme du groupe, les bénéfices réalisés par les filiales durant leur période d’intégration peuvent remonter jusqu’à la mère intégrante sans supporter aucune imposition supplémentaire, quel que soit le nombre de structures interposées.

3. Dans une décision du 2 septembre 2015, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé contraire à la liberté d’établissement l’application d’une quote-part de frais et charges de 5% aux dividendes perçus de filiales établies dans un autre Etat membre de l’Union européenne qui, si elles avaient été résidentes de France, auraient pu appartenir à un groupe fiscal (CJUE 2-9-2015, aff. C-386/14, Groupe Steria SCA ). Les entreprises peuvent donc obtenir la neutralité totale des distributions versées au cours d’exercices non prescrits par des filiales européennes détenues à 95 % au moins, de façon directe ou indirecte, en déposant des réclamations contentieuses.

Les distributions intragroupe sont désormais taxées sur une quote-part de frais et charges de 1 %

4. L'article 40 de la loi modifie l’article 223 B du CGI pour supprimer la neutralisation de la quote-part de frais et charges afférente aux produits de participation versés entre sociétés d’un même groupe lors de l’établissement du résultat d’ensemble. Cette suppression concerne également la quote-part afférente aux produits de participation perçus par une société du groupe en provenance d’une société intermédiaire, d’une société étrangère ou de l’entité mère non résidente.

5. Mais les distributions intragroupe bénéficient néanmoins de règles dérogatoires au droit commun dans le cadre de l’application du régime des sociétés mères et filiales. L’article 216 du CGI aménagé par le présent article prévoit ainsi qu’elles sont soumises à la taxation d’une quote-part de frais et charges réduite à 1% de leur montant, au lieu de 5% en droit commun.

Ndlr : Contrairement aux dispositions supprimées de l’article 223 B du CGI, qui réservaient la neutralisation de la quote-part de frais et charges aux distributions versées par une société membre du groupe depuis plus d’un exercice, aucun délai minimum d’appartenance au groupe n’est prévu pour appliquer le nouveau taux de 1 %. En pratique, ce taux concerne donc les distributions mises en paiement au cours du premier exercice d’appartenance au groupe d’une filiale, ou au cours du premier exercice de constitution du groupe, alors que ces distributions étaient jusqu’alors soumises à la taxation d’une quote-part de frais et charges calculée suivant les règles de droit commun au taux de 5 %. Pour autant, aucune régularisation ne sera appliquée sur cette quote-part de frais et charges en cas de sortie de groupe.

6. Le taux spécial de la quote-part de frais et charges de 1 % étant prévu par l’article 216 du CGI, il sera appliqué pour l’établissement du résultat individuel de la société membre qui a perçu des dividendes d’une autre société du groupe et non pour l’établissement du résultat d’ensemble.

Ndlr : Il s’agit là d’une exception à la règle suivant laquelle le résultat individuel d’une société intégrée est en principe établi en suivant les règles qui s’appliqueraient si elle n’appartenait pas au périmètre. En conséquence, il conviendra d’opérer un retraitement sur ce point afin de déterminer, sur l’état 2058 A bis, le résultat de la filiale concernée comme si elle était imposée séparément, qui sert notamment au calcul de la participation des salariés aux résultats.

7. Le nouveau taux de 1 % s’applique indépendamment de la forme des groupes, qui peuvent être des groupes verticaux ou horizontaux, des groupes d’assurance combinés, des groupes bancaires mutualistes, ou des groupes d’établissements publics industriels et commerciaux.

8. Pour les distributions placées sous le régime des sociétés mères qui sont mises en paiement par les sociétés intermédiaires, le présent article supprime l’exigence posée dans le régime actuel pour le bénéfice de l’exonération qu’il soit démontré qu’elles proviennent de la redistribution de produits versés par les sociétés membres. Le taux réduit de la quote-part concerne l’intégralité de leurs distributions. Il en est de même, dans les groupes horizontaux, en ce qui concerne les dividendes mis en paiement par les sociétés étrangères ou par l’entité mère non résidente.

9. Aucune modification n'est apportée au régime des distributions intragroupe n’ouvrant pas droit au régime des sociétés mères. Les produits de ces participations demeurent intégralement neutralisés pour l’établissement du résultat d’ensemble, mais cette neutralisation ne s’applique qu’à compter du deuxième exercice d’appartenance au groupe de la société distributrice. En cas de versement de dividendes n’ouvrant pas droit au régime des sociétés mères par une société intermédiaire ou, dans les groupes horizontaux, par une société étrangère ou l’entité mère non résidente, l’exonération ne s’applique qu’à la condition que la société mère prouve qu’ils proviennent en fait d’une société membre du groupe depuis plus d’un exercice.

10. Il est observé que le présent article n’affecte pas le dispositif qui permet à la société mère de pratiquer un complément de déduction au titre des intérêts réintégrés aux résultats individuels des sociétés membres sous-capitalisées au regard des ratios prévus à l’article 212 du CGI. En effet, en vertu d’un aménagement des modalités de calcul de ce complément de déduction apporté à l’article 223 B par le présent article, la somme des résultats courants avant impôts des sociétés du groupe reste déterminée sous déduction des dividendes versés par d’autres sociétés du groupe, par une société étrangère ou intermédiaire, ou par l’entité mère étrangère, bien que la quote-part de frais et charges correspondante cesse d’être neutralisée.

Les distributions de filiales européennes à 95 % sont soumises aux mêmes règles

11. Suivant les prescriptions de la Cour de justice de l’Union européenne, les distributions en provenance de filiales européennes sont soumises au même régime fiscal que les distributions intragroupe. Le taux réduit de la quote-part de frais et charges s’applique donc aux produits perçus par une société membre d’un groupe à raison d’une participation dans une société soumise à un impôt équivalent à l’impôt sur les sociétés dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales (c’est-à-dire l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein) qui, si elle était établie en France, remplirait les conditions pour être membre de ce groupe, autres que celle d’être soumise à l’impôt sur les sociétés en France.

12. La société mère intégrante devra donc être en mesure de justifier l’assujettissement à un impôt équivalent à l’impôt sur les sociétés des filiales étrangères distributrices, de leur niveau de détention par les sociétés du groupe et du fait que leurs dates d’ouverture et de clôture d’exercices coïncident avec celles des sociétés membres du groupe fiscal.

Parmi les conditions posées pour l’appartenance à un groupe fiscal, figure la délivrance de l’accord de la filiale concernée. L’administration devra préciser si cette condition est transposée aux filiales européennes pour l’application du taux réduit de la quote-part de frais et charges.

13. Pour apprécier si les modalités de détention du capital de la filiale distributrice la rendraient apte à être membre du groupe si elle était établie en France, il sera tenu compte des participations directes et indirectes détenues par l’entité mère intégrante ou par l’entité mère non résidente dans le cas d’un groupe horizontal. Le seuil de 95% pourra être atteint par l’interposition d’une société remplissant les conditions posées pour accéder au statut de société intermédiaire ou de société étrangère. Il importe toutefois que la filiale réponde aux conditions propres à la forme du groupe auquel appartient la société bénéficiaire des distributions.

Si la société bénéficiaire des produits de participation est membre d’un groupe vertical, le taux réduit de la quote-part de frais et charges ne pourra s’appliquer que si la filiale distributrice est détenue à 95% au moins, directement ou indirectement, par la société mère. Il serait refusé, dans le cas contraire, quand bien même la filiale remplirait les conditions pour rejoindre un groupe horizontal si elle était établie en France.

14. Le présent article ne prévoit aucun aménagement du régime applicable aux dividendes versés par des filiales européennes qui satisfont aux conditions d’appartenance au groupe fiscal (autres que leur résidence) mais sont détenues par la société bénéficiaire des dividendes à hauteur de moins de 5 % de leur capital.

Ndlr : Compte tenu de l’analyse menée par la CJUE dans l’arrêt Steria précité, l’assujettissement à l’impôt de ces dividendes alors que ceux versés par des filiales membres du groupe et détenues suivant les mêmes modalités sont neutralisés pour la détermination du résultat d’ensemble est de nature à prêter à contestation au regard du principe de liberté d’établissement.