Résiliation d’un contrat avant terme : le même préjudice ne peut pas être indemnisé deux fois
Cass. com. 16 février 2016 n°14-22.914
En cas de résiliation unilatérale d’un contrat, la victime ne peut pas obtenir à la fois une indemnité correspondant au gain manqué et une indemnité pour rupture brutale de relations commerciales.
Une société avait résilié sept mois avant son échéance un contrat comprenant, d’une part, un accord d'exclusivité réciproque d’une durée de trois ans renouvelable, d’autre part, la location de matériel.
La cour d’appel de Paris l’avait condamnée à verser à son cocontractant une indemnité correspondant au gain dont il avait été privé en raison de l'inexécution du contrat jusqu'à son terme prévisible, ainsi qu'une indemnité au titre de la rupture brutale des relations commerciales (C. com. art. L 442-6, 5°), celle-ci permettant à l'entreprise délaissée, par un délai de préavis raisonnable, d'avoir le temps nécessaire pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de ces relations.
Arrêt censuré par la Haute Juridiction : en condamnant tout à la fois la société à payer à son cocontractant les commissions jusqu'au terme prévisible du contrat et des dommages-intérêts correspondant à un préavis de six mois en réparation de la rupture brutale de leurs relations commerciales, la cour d'appel avait indemnisé deux fois le même dommage et elle avait méconnu le principe de réparation intégrale.
A noter : Lorsqu’une partie à un contrat à durée déterminée commet une faute en le résiliant de façon anticipée, son cocontractant a droit à la réparation de son préjudice sous forme de dommages-intérêts, et non au paiement de la rémunération prévue (Cass. com. 22-10-1996 n° 94-15.410 ; Cass. com. 3-5-2011 n° 10-15.884).
Aux termes de l’article 1149 du Code civil (repris à l’identique par l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats sous l’article 1231-2), les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé. Une jurisprudence constante en a déduit le principe de réparation intégrale sans perte ni profit (par exemple, Cass. 3e civ 4-11-2010 n° 09-70.235) et l’interdiction d’indemniser deux fois le même préjudice (Cass. 2eciv. 28-5-2009 n° 08-16.829). Ainsi les juges ne peuvent pas indemniser la perte de chance d’éviter un dommage s’ils ont déjà réparé les conséquences de sa survenance (Cass. 1eciv 22-11-2007 n° 06-14.174).
Au cas particulier, le manque à gagner, qui comprend le gain dont le manquement contractuel a empêché la concrétisation, avait été indemnisé deux fois.