La protection d'une marque renommée n'implique pas de risque de confusion ou d'assimilation
Cass. com. 12 avril 2016 n° 14-29.414
Pour que l'atteinte à une marque renommée soit caractérisée, il suffit que le degré de similitude entre cette marque et un signe concurrent conduise le public concerné à établir un lien entre eux, peu important qu'il n'y ait pas de risque de confusion ou d'assimilation.
La reproduction ou l'imitation d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si la reproduction ou l'imitation constituent une exploitation injustifiée de cette dernière (CPI art. L 713-5).
Une société spécialisée dans l'équipement et la décoration de la maison, et titulaire de la marque semi-figurative « Maisons du monde », ayant constaté que des magasins, vendant des articles d'art de la table, d'ameublement et de décoration de la maison, utilisaient des panneaux publicitaires comportant l'intitulé « tout pour la maison » surmonté d'une petite maison stylisée, avait poursuivi la société exploitant ces magasins en contrefaçon de sa marque et en concurrence déloyale et parasitaire. Elle avait aussi demandé l'annulation de la marque « Tout pour la maison » déposée pour désigner des services de regroupement , mise à disposition et présentation aux consommateurs de produits notamment cosmétiques.
La cour d'appel de Bordeaux, saisie sur renvoi après cassation, avait rejeté ces demande, aux motifs qu'il n'existait aucun risque d'assimilation entre les deux marques en cause compte tenu de leurs différences visuelles, phonétique et conceptionnelle, leur conférant une impression globale différente pour le consommateur moyen, tandis que certaines ressemblances à caractère mineur n'étaient pas susceptibles de créer pour lui un risque de confusion ou d'assimilation.
La Cour suprême a cassé cette décision : la protection conférée aux marques jouissant d'une renommée n'est pas subordonnée à la constatation d'un risque d'assimilation ou de confusion ; il suffit que le degré de similitude entre une telle marque et le signe postérieur conduise le public concerné à établir un lien entre le signe et la marque.
A noter :
La marque renommée bénéficie d'une protection particulière en cas d'usage par un tiers pour des produits ou services différents. Les conditions de cette protection, qui va au-delà de la règle de spécialité, ont été précisées par la jurisprudence : la protection est accordée aussi bien pour des produits ou des services non similaires que pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux couverts par celle-ci (CJCE 23-10-2003 aff. 408/01 ; Cass. com. 9-7-2013 n° 12-21.628). Il suffit que le degré de similitude entre la marque renommée et la marque contestée conduise le public concerné à établir un lien entre ces marques, alors même qu'il ne les confond pas (CJCE 23-10-2003 aff. 408/01, précité). La Cour de cassation affirme à son tour ce principe, pour la première fois à notre connaissance.
Le lien entre la marque renommée et la marque postérieure qui la concurrence existe lorsquecelle-ci évoque la marque antérieure renommée dans l'esprit du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (CJCE 27-11-2008 aff. 252/07 ; Cass. com. 1-3-2011 n° 10-14.967).