Pas d’extinction automatique du contrat par l’effet d’une clause résolutoire de plein droit
Cass. 3e civ. 3 juin 2015 n° 14-16.929
Le contrat contenant une clause résolutoire de plein droit n’est pas résolu à la date du manquement à l’obligation visée par la clause si le bénéficiaire de la clause ne manifeste pas son intention de la mettre en œuvre.
La vente d’un entrepôt avec bureaux avait été conclue sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt par l’acquéreur. Aux termes de l’acte de vente, l’acquéreur devait verser un dépôt de garantie de 30 000 €, la moitié le jour de la signature de l’acte et, à peine de résolution de la vente de plein droit sans formalités ni mise en demeure, le solde dans les quinze jours. L’acquéreur n’avait pas versé ce solde et, n’ayant pas obtenu son prêt, il avait sollicité la restitution des sommes déjà versées. Le vendeur avait alors demandé la résolution de la vente en invoquant la clause résolutoire précitée.
La Cour de cassation a rejeté la demande du vendeur. En effet, ce dernier ne s’était pas prévalu de la clause résolutoire dès l’expiration du délai de versement du solde du dépôt de garantie ; la promesse de vente était toujours en vigueur à la date à laquelle l’acquéreur s’était prévalu utilement de la défaillance de la condition suspensive ; en l’absence de toute manifestation de volonté du vendeur de mettre en œuvre la clause avant cette défaillance, celle-ci avait entraîné l’anéantissement du contrat et le vendeur ne pouvait plus se prévaloir de la clause résolutoire.
Le vendeur a été condamné à restituer à l’acquéreur les sommes que celui-ci avait versées au titre dudépôt de garantie. La condition relative à l’obtention du prêt devait être considérée comme non réalisée, aucun manquement de l’acquéreur à son obligation de demander un prêt conforme aux termes de l’acte de vente n’étant établi.
A noter : 1° La clause résolutoire n’interdit pas à son bénéficiaire de demander l'exécution forcée du contrat (Cass. com. 18-6-1979 n° 77-11.295 : Bull. civ. IV n° 201). En conséquence, malgré l’inexécution de l’obligation qu’elle vise, la clause résolutoire n'est acquise que si son bénéficiaire a manifesté son intention de s'en prévaloir, la résolution intervenant à la date de cette manifestation (Cass. com. 3-6-1997 n° 93-21.322 : RJDA 11/97 n° 1314). En l’espèce, le vendeur n’ayant pas invoqué l’acquisition de la clause résolutoire après l’expiration du délai de quinze jours accordé à l’acquéreur pour verser le solde du dépôt de garantie, la vente n’était pas résolue. Par suite, contrairement à ce que soutenait le vendeur, la question de savoir si son inaction valait renonciation ou pas à la clause résolutoire ne se posait pas.
Stipuler la résolution de plein droit présente un avantage : dans un tel cas, le juge saisi ne peut que constater la résolution même si le manquement invoqué est minime ; si, à l'inverse, la clause prévoit qu'une partie peut demander la résolution, le juge apprécie si le manquement invoqué la justifie.
2° La condition est réputée réalisée lorsque le débiteur de l'obligation sous cette condition (ici l’acquéreur) en a empêché l'accomplissement (C. civ. art. 1178). Mais cette règle ne joue que si le créancier de l’obligation (ici le vendeur) prouve que l’absence de réalisation de la condition est exclusivement imputable au débiteur (Cass. 3e civ. 24-3-2004 n° 02-15.689: RJDA 7/04 n° 795), par exemple parce que celui-ci a présenté à la banque une demande de prêt non conforme aux prévisions de l’acte de vente (Cass. 3e civ. 16-1-2013 n° 11-26.557 et Cass. 3e civ. 12-2-2013 n° 12-13.760 : RJDA 5/13 n° 393).
La défaillance de la condition suspensive entraîne la caducité de la vente (Cass. 3e civ. 10-9-2013 n° 12-22.163 : RJDA 2/14 n° 78) et l’obligation pour le vendeur de restituer à l’acquéreur les sommes versées en garantie (cf. Cass. com. 7-10-2008 n° 07-14.607 : RJDA 2/09 n° 85).