Le droit d'entrée versé par le preneur d'un bail commercial peut parfois être amorti
CE 15 avril 2016 n° 375796.
Le preneur d'un bail commercial peut amortir le droit d'entrée versé au bailleur lorsqu'il a pour contrepartie des avantages indépendants du caractère renouvelable du bail et dont les effets bénéfiques sur l'exploitation cesseront à une date prévisible.
Une société avait pris à bail, pour une durée de 12 ans, des entrepôts et des bureaux moyennant le versement, outre le loyer annuel d'environ 100 000 € HT, d'un « droit d'entrée » de 350 000 €. Elle avait comptabilisé le droit d'entrée en immobilisation incorporelle et l'avait amorti sur 6 ans. L'administration fiscale remettait en cause la déduction des annuités d'amortissement en considérant qu'un tel actif incorporel n'est pas amortissable. Cette position avait été confirmée par les juges du fond, notamment la cour administrative d'appel de Versailles (CAA Versailles 19-12-2013 n° 11VE02615), au motif que les avantages procurés par les droits au bail en cause ne pouvaient pas être regardés, dès l'acquisition de ces droits, comme devant prendre fin à l'expiration du bail (celui-ci étant susceptible d'être renouvelé) et qu'ils ne pouvaient donc pas être amortis.
Mais pour le Conseil d'Etat, la solution n'est pas si simple. Une immobilisation incorporelle ne peut faire l'objet d'une dotation annuelle aux amortissements que s'il est normalement prévisible, dès sa création ou son acquisition, que ses effets bénéfiques sur l'exploitation de l'entreprise prendront nécessairement fin à une date déterminée. Or, il résultait du contrat de bail que le droit d'entrée était versé non seulement en contrepartie de la durée exceptionnelle de 12 ans du bail mais aussi de la renonciation du bailleur à sa faculté de résiliation du bail pendant 6 ans. Ce dernier avantage étant indépendant du caractère renouvelable du contrat et ses effets bénéfiques sur l'exploitation cessant à une date prévisible, la cour administrative d'appel aurait dû tenir compte de ces circonstances pour déterminer si certains éléments du droit d'entrée pouvaient faire l'objet d'un amortissement.
A noter : Lorsque le loyer stipulé dans un bail commercial est normal, le droit d'entrée versé par le preneur doit être considéré comme le prix de revient d'un élément incorporel du droit au bail et inscrit à l'actif immobilisé. Un élément d'actif incorporel peut faire l'objet d'un amortissement s'il est normalement prévisible, dès sa création ou son acquisition, que ses effets bénéfiques sur l'exploitation prendront fin à une date déterminée (notamment CE 1-10-1999 n° 177809).
Concernant le droit au bail, le Conseil d'Etat avait, jusque-là, refusé l'amortissement car le bail étant renouvelable, les avantages procurés au preneur ne pouvaient pas être considérés comme prenant fin à une date déterminée (CE 15-10-1982 n° 26585 : RJF 12/82 n° 1090). Mais il ouvre ici une porte de sortie permettant de concevoir un amortissement des droits incorporels procurant des avantages qui ne seraient pas liés au caractère renouvelable du bail et dont les effets bénéfiques sur l'exploitation cesseraient à une date prévisible. Il revient désormais à la cour administrative d'appel de renvoi de déterminer la fraction du droit d'entrée qui aurait pu être amortie, correspondant à la renonciation temporaire du bailleur à son droit de résiliation du bail.
Par ailleurs, les entreprises acquittant un droit d'entrée devront se montrer particulièrement vigilantes sur la rédaction des clauses du bail commercial, en détaillant la nature des avantages consentis par le bailleur en contrepartie de ce droit d'entrée.