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Pas de relation commerciale établie quand tout nouveau contrat est précédé d'un appel d'offre

CA Paris ch. 5/4 7-9-2016 n° 14/06517

Le cocontractant d'une entreprise de nettoyage qui organise une procédure d'appel d'offres pour le renouvellement des contrats place celle-ci dans une perspective de précarité des relations commerciales lui interdisant d'invoquer la rupture brutale d'une relation établie.

Celui qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages professionnels engage sa responsabilité (C. com. art. L 442-6, I-5°).

Une société avait confié à une entreprise de nettoyage l'entretien de plusieurs de ses agences. Quelques années plus tard, la société avait décidé de faire jouer le libre jeu de la concurrence pour réattribuer ses marchés et elle avait lancé des appels d'offre. L'entreprise initiale avait remporté le premier appel d'offre, puis partiellement le second deux ans plus tard mais elle n'avait pas remporté le troisième, organisé cinq ans après. L'entreprise avait alors recherché la responsabilité de la société, estimant que celle-ci avait rompu de manière brutale et abusive leurs relations commerciales.

La cour d'appel de Paris a rejeté sa demande. La mise en compétition avec des concurrents, à trois reprises successives, privait les relations commerciales en cause de toute permanence garantie ; la procédure d'appel d'offres comporte par essence pour l'entreprise qui s'y soumet un aléa qu'elle ne peut ignorer et place celle-ci dans une perspective de précarité des relations commerciales.

A noter : Confirmation d'une solution déjà retenue par des cours d'appel (CA Versailles 18-9-2008 n° 07/7891 ; CA Paris 2/10/2015 n° 13/05217). 
La notion de relation commerciale établie suppose démontré le caractère suffisamment prolongé, régulier, significatif et stable du courant d'affaires existant entre les partenaires commerciaux pour laisser augurer au prestataire que cette relation a vocation à durer (CA Versailles 27-10-2011 n° 10/04733). Les juges du fond doivent rechercher si la partie victime de la rupture pouvait légitimement, compte tenu des circonstances, s'attendre à la stabilité de la relation (Cass. com. 18-5-2010 n° 08-21.681). Il résulte de la présente décision que la stabilité de la relation ne peut en principe pas être invoquée quand le marché est soumis à la procédure de l'appel d'offre.
Dans une affaire qui concernait les relations d'une agence de communication avec un constructeur automobile, la cour d'appel de Versailles avait retenu l'existence d'une relation commerciale établie malgré le recours du constructeur à la procédure de l'appel d'offre, reprochant à celui-ci de ne pas avoir signifié à l'agence son intention de procéder de façon systématique et régulière à cette procédure (CA Versailles 27-10-2011 n° 10/04733 précité). Les faits étaient pourtant proches de ceux de la présente décision : premier contrat sans appel d'offre puis appel d'offre trois ans plus tard, remporté par l'agence de communication initiale, puis nouvel appel d'offre trois ans après, perdu par l'agence. Mais cette solution plus souple n'est pas celle de la cour d'appel de Paris qui seule doit être prise en considération puisque cette cour a désormais compétence exclusive pour connaître du contentieux de l'article L 442-6 (C. com. art. D 442-3 et D 442-4).