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Validité de la clause attribuant la Quotité Disponible à l'un des enfants en cas de désaccord entre eux

Cass. 1e civ. 5-10-2016 n° 15-25.459

Aucune disposition légale n'interdit l'insertion dans un testament d'une condition faisant dépendre le droit d'un des héritiers dans la quotité disponible (QD) d'un événement que l'autre peut faire arriver ou empêcher.

Une femme décède, laissant pour lui succéder son conjoint et leur fille. Ces derniers signent un acte de partage de la succession de la défunte et de la communauté ayant existé entre les époux. Le conjoint décède ensuite, laissant comme héritiers sa fille et son fils. Par testament authentique, le défunt a exprimé la volonté suivante : « à défaut pour mes deux enfants […] de se mettre d'accord lors du règlement de ma succession et de respecter mes volontés, je lègue à [mon fils] la plus forte quotité disponible de ma succession ».

Un différend s'élève entre les deux héritiers. La fille assigne son frère en nullité du partage pour cause de dol et de lésion, soutenant que son père avait dissimulé les récompenses dues à la communauté.

A titre reconventionnel, le frère invoque la clause d'exhérédation (qui a pour but de priver un héritier de ses droits successoraux) pour que lui soit attribuée la quotité disponible de la succession de son père. La cour d'appel lui donne satisfaction.

Portant l'affaire devant la Cour de cassation, la fille invoque la nullité de la clause pour deux raisons. D'une part, la clause serait entachée d'un caractère potestatif en ce qu'il était dans l'intérêt exclusif et surtout au pouvoir de son frère de faire obstacle au règlement amiable.

D'autre part, cette même clause porterait une atteinte excessive au droit d'agir en justice.

Sa cause n'est pas entendue. La Haute Cour précise qu'aucune disposition légale ne prohibe l'insertion dans un testament d'une condition faisant dépendre le droit d'un des héritiers dans la quotité disponible d'un événement qu'il est du pouvoir de l'autre de faire arriver ou d'empêcher. Quant à l'atteinte au droit d'agir, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée.

Remarques

Dans cette affaire, le père menaçait sa fille de la priver de ses droits dans la quotité disponible si elle contestait le règlement de sa succession. Une telle exhérédation, conditionnelle, comportant alors un caractère de clause pénale, est en principe valable (par exemple, Cass. 1e civ. 25-6-2002 n° 00-11.574). Dans l'arrêt rapporté, la Cour de cassation précise que le caractère potestatif de la condition est sans incidence. La solution est logique. Si les conditions dont l'exécution dépend de la seule volonté du donateur sont prohibées dans les donations (C. civ. art. 944), tel n'est pas le cas pour un testament. Dès lors qu'elle n'est pas illicite ou impossible, toute condition potestative peut être prévue dans un legs, qu'elle dépende de la volonté du testateur ou de celle du légataire.

 La clause d'exhérédation est toutefois réputée non écrite lorsqu'elle tend à assurer l'exécution de dispositions contraires à l'ordre public, par exemple en cas d'atteinte aux droits à la réserve (Cass. 1e civ. 25-6-2002 n° 00-11.574, précité). Ce n'était pas le cas en l'espèce.

 Selon une décision récente et remarquée, la validité de la clause pénale testamentaire peut également être remise en cause en cas d'atteinte excessive au droit d'agir en justice de l'héritier exhérédé (Cass. 1e civ. 16-12-2015 n° 14-29.285). L'héritière s'était appuyée sur cette jurisprudence pour tenter de faire annuler la clause d'exhérédation. En vain. La recherche d'une telle atteinte par les juges du fond n'est pas automatique. Elle doit être demandée par l'intéressé, ce qui n'avait manifestement pas été fait devant les juges du fond.