La location financière n’est pas nécessairement une opération réservée aux banques
Cass. com. 2-11-2016 n° 15-10.274
Echappe au monopole bancaire la location financière de matériel par laquelle le bailleur impose au locataire de lui payer des loyers et de lui restituer le matériel à l’issue du contrat mais ne lui remet pas de fonds et ne lui confère aucune option d’achat sur le matériel.
Une société (A) conclut avec une société du secteur de l'informatique (B) des contrats par lesquels la société B lui loue des matériels informatiques avec services associés, commandés à des tiers fournisseurs. Ultérieurement, la société A demande en justice que les contrats soient requalifiés en contrats de crédit et annulés pour avoir été conclus en violation du monopole bancaire.
En premier lieu, la société A fait valoir que ces contrats sont assimilables à des prêts car elle commande auprès de ses propres fournisseurs, dans la limite d'un montant global déterminé intitulé « capacité nette d’engagement » des produits, au nom et pour le compte de la société B, qu’elle s’engage à « louer » auprès de cette dernière ; la société B règle les produits et services concernés aux fournisseurs et se fait rembourser par la société A sous forme de « loyers » comportant des intérêts ; la société B met ainsi, à titre onéreux, des fonds à la disposition de la société A en réglant directement ses fournisseurs, tout en se faisant rembourser au moyen de mensualités dénommées « loyers ».
La Cour de cassation écarte le raisonnement : ces contrats ont pour objet la location de matériel informatique et des prestations de services informatiques choisis par le locataire, dans une limite budgétaire fixée par le montant global déterminé ; pèse sur le locataire la double obligation de payer les loyers et de restituer les matériels loués à l’échéance du contrat ; il en résulte que la société B, agissant à titre onéreux, ne met pas des fonds à la disposition de la société A et que les contrats conclus ne constituent pas des opérations de crédit.
En second lieu, la société A soutient que constitue une opération de crédit la location financière qui porte sur un bien dont la valeur réside tout entière dans l'usage et qui a une durée voisine de la durée moyenne d'utilisation de ce bien. Tel est le cas pour la location de matériels informatiques et de progiciels.
Là encore, l'argument est rejeté. En effet, les contrats ne stipulent aucune option d’achat en faveur de la société A, qui est tenue de restituer les matériels loués en fin de période de location ; le locataire n’a donc pas la possibilité d’acquérir tout ou partie des biens loués, moyennant un prix convenu tenant compte, au moins pour partie, des versements effectués à titre de loyers. En conséquence, la location financière litigieuse ne constitue pas une opération de crédit-bail ni, plus généralement, une opération de location assortie d’une option d’achat, seules susceptibles d’être assimilées à des opérations de crédit par l’article L 313-1 du Code monétaire et financier.
A noter : Il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit ou une société de financement d'effectuer des opérations de crédit à titre habituel (C. mon. fin. art. L 511-5, al. 1), notamment, à titre onéreux, de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne ou de consentir un crédit-bail et, de manière générale, une location assortie d'une option d'achat (art. L 313-1). Le crédit-bail suppose que le locataire bénéficie d’une option d’achat (C. mon. fin. art. L 313-7).
La Cour de cassation avait déjà jugé qu’une location de matériel informatique obligeant le locataire à payer les loyers et à restituer le matériel loué à l'échéance du contrat ne constitue pas une opération de banque relevant du monopole bancaire (Cass. com. 7-4-2010 n° 09-10.129).
Le contrat de crédit-bail doit comporter une promesse unilatérale de vente consentie par le bailleur au locataire ; si l'acquisition est subordonnée à l'acceptation du bailleur, le contrat n'est pas un contrat de crédit-bail (Cass. com. 30-11-1999 n° 97-20.828 D).