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Loi Travail : la réforme du motif économique de licenciement s'applique depuis le 1er décembre

La loi Travail a redéfini le motif économique de licenciement et fixe le cadre dans lequel s'apprécie la rupture du contrat de travail pour motif économique. Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er décembre 2016. Rappel des nouvelles règles.

La loi 2016-1088 du 8 août 2016 (JO 9) a réécrit l'article L 1233-3 du Code du travail relatif au motif économique de licenciement, tout en reportant les effets de cette réécriture au 1er décembre 2016.

Certaines des mesures issues de la loi ne vont rien changer, en pratique, pour les entreprises, car elles consistent simplement à inscrire dans le Code du travail des solutions de jurisprudence bien établies. En revanche, la loi a innové en précisant la notion de difficultés économiques susceptibles de justifier un licenciement : cette réforme pourrait faire bouger les lignes pour les entreprises, et pour le juge en cas de litige.

Ce qui change au 1er décembre 2016

Le Code du travail fixe désormais des critères objectifs permettant de définir plus précisément les difficultés économiques pouvant justifier un licenciement.

Des indicateurs économiques objectifs ...

Depuis le 1er décembre 2016, les difficultés économiques sont caractérisées par l'évolution significative d'au moins un des indicateurs suivants :

  • une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires ;
  • des pertes d'exploitation ;
  • une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation.

Comme auparavant, le Code du travail autorise toutefois l'employeur à justifier de ses difficultés économiques par tout autre élément de preuve.

A noter : L'insertion de cette liste d'indicateurs économiques dans le Code du travail est une nouveauté. L'objectif est de rassurer les entreprises qui éprouvent des difficultés économiques sur les risques juridiques liés à un licenciement économique. La liste d'indicateurs devrait leur permettre de déterminer objectivement si elles se trouvent ou non dans une situation de nature à justifier des suppressions d'emploi. En cas de litige, la preuve des difficultés économiques éprouvées par l'entreprise pourrait être plus simple à apporter : un seul des critères, s'il est rempli, devrait suffire pour établir le motif économique.

... subissant une évolution significative

Pour pouvoir justifier un licenciement économique, les indicateurs économiques invoqués par l'employeur doivent avoir connu une évolution significative.

La baisse des commandes ou du chiffre d'affaires

La notion d'évolution significative est définie par la loi pour la baisse des commandes ou du chiffre d'affaires. La baisse est constituée si sa durée, en comparaison avec la même période de l'année précédente, est au moins égale à :

  • 1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;
  • 2 trimestres consécutifs pour une entreprise de 11 à moins de 50 salariés ;
  • 3 trimestres consécutifs pour une entreprise de 50 à moins de 300 salariés ;
  • 4 trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins 300 salariés.

A noter : La loi fixe un critère de durée pour la baisse des commandes ou du chiffre d'affaires. Mais elle ne fixe aucun critère définissant l'intensité des difficultés subies par l'entreprise et permettant un licenciement économique : quel pourcentage de baisse du chiffre d'affaires peut justifier l'engagement de la procédure de rupture ? Ce point sera laissé à l'appréciation des juges, en cas de litige.

En pratique, l'employeur, lorsqu'il engage la procédure de licenciement, doit être en mesure de justifier, notamment par des documents comptables, que :

  • à la même période de l'année N-1, le niveau de ses commandes ou de son chiffre d'affaires était significativement supérieur ;
  • que la baisse significative de ses résultats dure depuis 1, 2, 3 ou 4 trimestres, selon sa taille ;
  • et, pour les entreprises d'au moins 11 salariés, que cette baisse est continue : la loi exige des "trimestres consécutifs" de baisse, ce qui exclut les périodes d'alternance de baisse et de hausse des résultats. A noter, toutefois, les résultats sont évalués globalement sur le trimestre : peu importe, par exemple, que l'entreprise ait obtenu de bons résultats pendant un mois, si les deux autres mois ont été mauvais.

Exemple

Une entreprise de 5 salariés connaît, à la fin du premier trimestre 2017, de mauvais résultats. Pour déterminer si elle se trouve dans une situation justifiant un licenciement économique, il faut comparer ses résultats du premier trimestre 2017 avec ceux du premier trimestre 2016 : si la baisse des commandes ou du chiffre d'affaires est significative, la procédure de licenciement peut être engagée.

Pour une entreprise de 230 salariés connaissant une baisse significative de ses résultats entre janvier 2017 et septembre 2017, il faut comparer avec la période janvier 2016-septembre 2016.

La loi ne précise pas les modalités de calcul de l'effectif de l'entreprise : il faut donc à notre sens appliquer les règles de droit commun en la matière. La période de de référence à retenir peut poser problème, en particulier en cas de passage d'un seuil à un autre.

La loi n'indique pas non plus la période de référence à retenir : l'entreprise doit-elle se baser sur des trimestres civils (par exemple, janvier, février et mars 2017) ou sur une période de 3 mois consécutifs (par exemple, décembre 2016, janvier et février 2017) ?

L'administration n'a, pour l'instant, pas apporté de précisions sur ces questions pourtant cruciales.

Les autres indicateurs

Pour les autres indicateurs, la loi fait référence à une "évolution significative", sans définir objectivement cette notion. Quel pourcentage de dégradation de la trésorerie, ou quel niveau de pertes d'exploitation peut justifier la rupture ? Pour mieux apprécier cette notion, il faudra attendre que les juges soient saisis de litiges en la matière.

A noter : La jurisprudence actuelle n'exige pas que la situation financière de l'entreprise soit catastrophique (Cass. soc. 9-7-1997 n° 95-43.722 P). Mais les difficultés de l'entreprise doivent être sérieuses, et non simplement passagères (Cass. soc. 28-1-2014 n° 12-23.206).

Ce qui ne change pas

La loi Travail a transposé dans le Code du travail certaines décisions bien établies de la Cour de cassation. En pratique, pour les entreprises, cette inscription dans la loi ne change rien.

La liste des causes économiques

La loi a inscrit deux motifs de licenciement économique supplémentaires à l'article L 1233-3 du Code du travail, qui dresse la liste des causes pouvant être invoquées par l'employeur à l'appui de la rupture. Il s'agit de :

  • la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, admise par la Cour de cassation comme motif de licenciement économique depuis 1995 ;
  • la cessation d'activité de l'entreprise, considérée par la Cour de cassation comme une cause autonome de licenciement économique depuis 2001.

Le périmètre d'appréciation de la cause économique

Le licenciement pour motif économique n'est légitime que si le contexte économique a conduit à une suppression ou transformation d'emploi ou modification du contrat de travail refusée par le salarié. La loi Travail précise que la réalité de cette suppression, transformation ou modification s'apprécie au niveau de l'entreprise. Le principe s'applique même si l'entreprise fait partie d'un groupe.

Là encore, la loi ne fait que transposer une jurisprudence constante de la Cour de cassation.