Une société étrangère ayant une représentation permanente en France tenue de s'immatriculer au RCS
Cass. crim. 20-6-2017 n° 14-85.879
Une société étrangère disposant au domicile français de son dirigeant d’une représentation permanente pour les besoins de son activité commerciale (commercialisation de maisons à construire à l'étranger) doit s'immatriculer au RCS.
Le dirigeant d'une société comorienne commercialisant en France des maisons individuelles à construire aux Comores est poursuivi devant le juge pénal pour travail dissimulé par dissimulation d’activité (et condamné à douze mois d'emprisonnement avec sursis et cinq ans d'interdiction de gérer). Il lui est reproché d'avoir omis d'immatriculer la société au registre du commerce et des sociétés (RCS) et d'adresser aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale les déclarations requises par la législation française (application de l'article L 8221-3 du Code du travail). Le dirigeant fait valoir qu'il n'était pas tenu d'immatriculer la société car la seule activité lucrative de celle-ci (la construction des maisons) était exercée non pas en France mais aux Comores. Il ajoute que le délit n'est pas constitué par le fait d'œuvrer de manière temporaire en France pour le compte d'une société étrangère dans le seul but de poursuivre l'objet social.
La Cour de cassation estime au contraire que la société disposait bien en France, au domicile du dirigeant, d’une représentation permanente pour les besoins de son activité commerciale, laquelle valait ouverture sur le territoire national d’un premier établissement et nécessitait d'immatriculer la société par application des articles L 123-1, l-3°, L 123-11 et R 123-35 du Code de commerce : après la liquidation du commerce de vente de meubles qu’il tenait en France à l'enseigne « faubourg de l’habitat », le dirigeant a diffusé sous la même enseigne, auprès de sa clientèle d’origine comorienne, une offre commerciale en vue de la construction de maisons individuelles aux Comores ; ce faisant, l’intéressé a exercé en France une activité commerciale car les contrats conclus par la société à l’issue de cette campagne promotionnelle ont été signés en France, où résidait la clientèle, où ont été effectués les règlements et où le dirigeant était domicilié et disposait d’une boîte aux lettres pour les besoins de son activité.
La circonstance que la société était immatriculée aux Comores, où elle relayait l’activité commerciale du dirigeant, ne dispensait pas celui-ci de se soumettre à la législation française en matière d’immatriculation et de procéder en France aux déclarations aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale. En sa qualité de commerçant, l’intéressé ne pouvait pas ignorer ses obligations en la matière.
A noter : Les sociétés commerciales dont le siège est situé « hors d'un département français » (pour l'essentiel, les sociétés étrangères) et qui ont un établissement dans l'un de ces départements doivent être immatriculées au RCS (C. com. art. L 123-1, I-3°). L'immatriculation doit être demandée au greffe du tribunal dans le ressort duquel est ouvert le premier établissement en France (art. R 123-35). La société doit alors justifier de la jouissance des locaux où elle installe l'agence, la succursale ou la représentation établie sur le territoire français (art. L 123-11, al. 1).
L'arrêt commenté est une application, inédite, de ces dispositions à l'ouverture d'une représentation permanente en France d'une société étrangère au domicile de son dirigeant. L'obligation d'immatriculation a été également retenue pour une société étrangère ayant ouvert en France un « bureau de liaison » dès lors que ce bureau était permanent et qu'il était appelé à lier des rapports juridiques avec des tiers, peu important qu'il n'ait eu qu'une activité préparatoire (CA Paris 30-11-2001 n° 01-16148).