Taxe foncière impayée par le vendeur prélevée sur les loyers dus à l’acquéreur : comment contester ?
CE 22-2-2017 n° 394647
L’existence ou la portée du privilège du Trésor pour le recouvrement de la taxe foncière ne peut être contestée que devant le juge civil. Le juge administratif peut seulement être saisi de recours visant le principe de l’assujettissement à la taxe ou son montant.
Pour assurer le recouvrement de la taxe foncière, le Trésor dispose d’un privilège spécial mobilier qu’il peut exercer sur les loyers des immeubles soumis à cette taxe (CGI art. 1920, 2-2o).
Un immeuble fait l’objet d’une vente le 21 janvier 2010. Les cotisations de taxe foncière dues au titre des années 2009 et 2010 n’ayant pu être recouvrées auprès du précédent propriétaire, l’administration fiscale, invoquant le privilège résultant des dispositions précitées, en recherche le paiement sur les loyers dus par le locataire de l’immeuble au nouveau propriétaire. Ce dernier conteste et demande le remboursement des sommes prélevées. Il porte l’affaire devant le juge administratif.
Le Conseil d’Etat pose pour principe que seul le juge judiciaire est compétent pour connaître des contestations par le nouveau propriétaire portant sur l’existence ou la portée du privilège du Trésor exercé sur les loyers de l’immeuble (quelle que soit la manière dont la contestation est présentée : contestation d’un acte de poursuite en recouvrement de l’impôt, demande de restitution de l’impôt déjà acquitté à la demande de l’administration avec ou sans mise en œuvre d’un acte de poursuite, ou demande de remboursement de l’impôt sur le fondement de la responsabilité pour faute de l’administration).
Le nouveau propriétaire ne peut saisir le juge administratif que d’une demande tendant à la décharge ou la réduction de l’impôt en contestant soit le principe de l’assujettissement à la taxe foncière du précédent propriétaire soit l’assiette ou le montant de cet impôt. Le nouveau propriétaire doit alors présenter préalablement une réclamation à l’administration dans le délai de l’article R 196-2, b du LPF, soit au plus tard le 31 décembre de l’année suivant la réalisation de l’événement (c’est-à-dire la mise à sa charge de la taxe foncière due par son vendeur).
A noter :
1. La Cour de cassation juge que le texte de l’article 1920, 2-2° du CGI ne distingue pas selon que l’immeuble est ou non resté aux mains du même propriétaire, ce qui justifie que le Trésor exerce un droit de suite sur les loyers pour le paiement de la taxe foncière dont le nouveau propriétaire devient dès lors débiteur direct (Cass. com. 28-3-2006 n° 03-13.822). La doctrine administrative est dans le même sens (BOI-REC-GAR-10-10-20-10 n° 240).
2. Pour se prémunir contre les risques de mise en œuvre du droit de suite auquel il est exposé, l’acquéreur a tout intérêt à obtenir la justification de son vendeur qu’il est à jour du paiement des taxes foncières et, dans la négative, à obtenir une garantie de ce paiement (cautionnement bancaire, séquestre d’une partie du prix, etc.).