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Avertissement d’un créancier d’avoir à déclarer sa créance en cas d’extension de la procédure

Cass. com. 28-6-2017 n° 16-16.746

En présence d’époux codébiteurs solidaires, le jugement qui étend à l’un la procédure collective ouverte à l’égard de l’autre fait courir au profit du créancier un nouveau délai pour déclarer sa créance ; celui-ci doit être averti d’avoir à déclarer sa créance une seconde fois.

Les créanciers d’une entreprise faisant l’objet d’une procédure collective qui sont titulaires d’une sûreté publiée ou liés à elle par un contrat publié doivent, à peine de forclusion, déclarer leurs créances dans un délai de deux mois à compter de la notification de l’avertissement que leur adresse le mandataire ou le liquidateur judiciaire à propos de cette déclaration (C. com. art. L 622-24 et L 622-26).

Une procédure de redressement judiciaire ouverte à l’égard d’un commerçant est étendue neuf mois plus tard à son épouse ; une banque, qui avait consenti un prêt aux époux garanti par une sûreté réelle, déclare au passif de la procédure du mari sa créance en limitant sa demande aux seuls intérêts à échoir puis déclare au passif de l’épouse, quatre mois après le jugement d’extension, une créance à titre privilégié incluant le capital restant dû et les intérêts au titre de ce prêt.

Le mandataire judiciaire lui ayant opposé la tardiveté de sa déclaration, la banque fait valoir que le délai de deux mois n’avait pas couru contre elle, faute d’avoir reçu l’avertissement d’avoir à déclarer sa créance à la procédure collective de l’épouse.

Une cour d’appel déclare la banque forclose en constatant que le mandataire judiciaire a adressé dans les délais un avertissement à la banque d’avoir à déclarer sa créance dans la procédure collective du mari et retient que cet avertissement a fait courir le délai de deux mois, peu important que cet avis ne mentionnât pas l’épouse ni le jugement d’extension à l’égard de cette dernière, dès lors que la créance de la banque résultait d’un prêt consenti aux époux et que, par l’effet de l’extension de la procédure collective du mari à l’épouse, ces deux personnes se sont trouvées réunies en une procédure collective unique avec patrimoine commun et unicité d’actif et de passif, de sorte que cet avertissement avait suffi à informer la banque de ses droits et obligations.

Censure de la Cour suprême : chacun des codébiteurs solidaires s’engageant distinctement à l’égard du même créancier, le jugement qui étend à l’un la procédure collective ouverte à l’égard de l’autre fait courir au profit de ce créancier, à compter de sa date de publication, un nouveau délai pour déclarer sa créance quand bien même il l’a déjà déclarée au passif de la procédure initialement ouverte. En conséquence, ce créancier, lorsqu'il est titulaire d’une sûreté régulièrement publiée, doit être averti personnellement d’avoir à déclarer sa créance au passif de celui à qui la procédure a été étendue.

A noter : Solution inédite.

Sous l’empire des textes antérieurs à la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, qui frappaient d’extinction les créances qui n’avaient pas été déclarées, il a été jugé que l'extinction de la créance résultant de son absence de déclaration au passif de la liquidation judiciaire de l'un des codébiteurs solidaires  laisse subsister l'obligation distincte contractée par les autres codébiteurs envers le créancier ; il en a été déduit que le créancier qui, après l'extension de la procédure collective à un codébiteur, a régulièrement déclaré sa créance au passif de celui-ci, conserve ses droits dans cette procédure (Cass. com. 11-12-2001 n° 98-22.643 ; voir aussi Cass. com. 25-11-2008 n° 07-14.583).

L’arrêt commenté se situe dans le droit-fil de cette jurisprudence. Lorsque deux personnes contractent solidairement la même obligation à l’égard du même créancier, ce dernier a deux débiteurs pour la même créance, ce qui l’autorise à poursuivre son recouvrement sur les deux patrimoines. Aussi, lorsque l’un des codébiteurs solidaires fait l’objet d’une procédure collective, qui ultérieurement est étendue à l’autre, la déclaration de créance régulièrement faite avant le jugement d’extension doit permettre au créancier d’être payé sur les fonds provenant tant du patrimoine de l’un que de celui de l’autre, si bien qu’il n’a pas besoin de déclarer la même créance après le jugement d’extension de la seconde procédure.      

Pour autant, ce créancier a bien deux débiteurs : chacun d’eux s’engage certes solidairement, mais distinctement à l’égard du créancier. Ce dernier peut donc déclarer sa créance au passif du second après extension de la procédure quand bien même il a déjà déclaré sa créance au passif du premier, avant extension.