Les « bénéficiaires effectifs » des sociétés doivent être inscrits sur un registre
Décret 2017-1094 du 12-6-2017 : JO 14 texte n° 16 Arrêté ECOC1721372A du 1-8-2017 : JO 3 texte n° 29
Les sociétés constituées depuis le 1er août 2017 doivent déposer un document identifiant leurs bénéficiaires effectifs. Les sociétés immatriculées avant cette date ont jusqu'au 1er avril 2018 pour le faire. Cette obligation s'impose même aux sociétés de famille...
1. Prise pour la transposition de la directive européenne antiblanchiment 2015/849 du 20 mai 2015, l'ordonnance 2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant la lutte contre le blanchiment a mis à la charge des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés (RCS) autres que celles dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé, ce qui inclut donc les sociétés civiles, une obligation d'information sur leurs « bénéficiaires effectifs » (C. mon. fin. art. L 561-46 s. nouveaux). L'ordonnance crée à cet effet un registre des bénéficiaires effectifs tenu par le RCS.
2. Un décret pris pour l'application de l'ordonnance (Décret 2017-1094 du 12-6-2017 : JO 14 texte n° 16) précise les conditions de fonctionnement du registre (C. mon. fin. art. R 561-55 s. nouveaux). Les nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 1er août 2017 mais les sociétés non cotées immatriculées avant cette date ont jusqu'au 1er avril 2018 pour s'y conformer (Décret art. 5).
Comme l'ordonnance de 2016, la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016 a également introduit, par inadvertance, après l'article L 561-45 du Code monétaire et financier, un dispositif organisant l'identification des bénéficiaires effectifs. La question de savoir lequel de ces deux régimes, concurrents doit s'appliquer est réglée par le décret du 12 juin 2017 : seul est applicable celui issu de l'ordonnance de 2016, visé par ce décret. Le régime prévu par la loi Sapin 2 ne sera donc jamais applicable.
3. Le décret ne définissant pas la notion de bénéficiaire effectif, il y a lieu de se référer à la définition de l'actuel article R 561-1 du Code monétaire et financier en matière de réglementation sur le blanchiment : personnes physiques qui soit détiennent, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote de la société, soit exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur les organes de gestion, d'administration ou de direction de la société ou sur l'assemblée générale de ses associés. Cette définition pourrait être modifiée ou complétée par un décret à venir.
4. A la lettre du texte, toutes les sociétés civiles immatriculées ou en cours d'immatriculation sont visées par la nouvelle obligation d'information, y compris celles dont le capital n'est détenu que par des personnes physiques, dont l'identification ne pose pas de problème puisque chaque associé de société civile doit déjà être déclaré au registre du commerce et des sociétés (RCS) (C. com. art. R 123-54, 1°).
On ne peut que regretter le champ trop large de cette réglementation, qui impose ainsi aux sociétés de famille fermées une information inutile dans la mesure où leurs associés (par hypothèse, des personnes physiques) sont connus du greffe par leur inscription au RCS.
Souhaitons qu'à l'avenir, le législateur revienne sur ce dispositif, dont on rappelle qu'il est assorti de sanctions pénales (n° 11), pour en limiter l'application aux seules sociétés non cotées ayant parmi leurs associés une ou plusieurs personnes morales.
Document à déposer au greffe du tribunal
5. L'ordonnance prévoit l'obligation pour les sociétés de déposer au greffe du tribunal, pour être annexé au RCS, un document relatif à leurs bénéficiaires effectifs contenant les éléments d'identification et le domicile personnel de ceux-ci ainsi que les modalités du contrôle qu'ils exercent sur la société (C. mon. fin. art. L 561-46).
Pour les sociétés en cours de constitution, ce document doit être déposé lors de la demande d'immatriculation ou au plus tard dans les 15 jours à compter de la délivrance du récépissé de dépôt de dossier de création d'entreprise (C. mon. fin. art. R 561-55 nouveau).
6. Le document, daté et signé par le représentant légal de la société, doit contenir les mentions suivantes (C. mon. fin. art. R 561-56 nouveau) :
- la dénomination, la forme juridique, l'adresse du siège et le numéro unique d'identification de la société complété par la mention RCS suivie du nom de la ville où se trouve le greffe auprès duquel elle est immatriculée ;
- l'identité (nom, nom d'usage, pseudonyme, prénoms), les date et lieu de naissance, la nationalité et l'adresse personnelle des bénéficiaires ainsi que les modalités du contrôle exercé sur la société et la date à laquelle les intéressés sont devenus bénéficiaire effectif de la société.
7. Le décret impose le dépôt d'un nouveau document dans les 30 jours suivant tout fait ou acte qui rend nécessaire la rectification ou le complément des informations mentionnées dans le précédent document (C. mon. fin. art. R 561-55).
Coût du dépôt
8. Aux termes d'un arrêté conjoint des ministres de l'économie et de la justice, le coût du dépôt du document prend la forme d'un émolument fixe à verser au greffe du tribunal en fonction du barème suivant :
- société immatriculée depuis le 1er août 2017 : 24,71 € TTC ;
- société immatriculée avant cette date : 54,32 € TTC.
Le dépôt d'un nouveau document actualisant le précédent document déposé donne lieu au versement d'un émolument de 48,39 € TTC.
Sanctions
9. L'ordonnance de 2016 autorise, on le rappelle, toute personne justifiant y avoir intérêt à saisir le président du tribunal d'une requête tendant à enjoindre, au besoin sous astreinte, à une société qui n'y aurait pas procédé de déposer au greffe le document relatif à ses bénéficiaires effectifs (C. mon. fin. art. L 561-48).
Si la demande est accueillie, l'ordonnance du président prononçant l'injonction doit fixer le délai de dépôt et, le cas échéant, le taux de l'astreinte. Cette ordonnance, non susceptible de recours, doit également mentionner les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera examinée si l'injonction n'est pas exécutée dans le délai fixé. Le greffier doit notifier l'ordonnance à la société et au demandeur par lettre recommandée AR (C. mon. fin. art. R 561-62 nouveau).
En cas d'inexécution de l'injonction, le greffier constate le non-dépôt du document relatif au bénéficiaire effectif par procès-verbal et le président du tribunal doit statuer sur les mesures à prendre ; il procède, s'il y a lieu, à la liquidation de l'astreinte (C. mon. fin. art. R 561-63, II nouveau).
10. Le fait de ne pas déposer au greffe le document relatif au bénéficiaire effectif ou de déposer un document comportant des informations inexactes ou incomplètes expose le contrevenant à des sanctions pénales : six mois d'emprisonnement et 7 500 € d'amende. Les personnes morales peuvent être poursuivies pour ce délit et encourent à ce titre une amende de 37 500 € (C. mon. fin. art. L 561-49).