La résiliation de plein droit d’un contrat en cours doit être constatée par le juge-commissaire
Cass. com. 20-9-2017 n° 16-14.065
En cas de défaut de paiement des échéances d’un crédit-bail continué pendant la période d’observation, la résiliation du contrat doit être constatée par le juge-commissaire. A défaut, le crédit-bail demeure en cours et peut être cédé avec l’entreprise.
Une banque donne un broyeur en crédit-bail à une entreprise qui est ensuite mise en redressement judiciaire. Mis en demeure par la banque de se prononcer sur le sort du contrat, l’administrateur judiciaire opte pour sa continuation. Les échéances du crédit-bail cessant d’être payées, la banque adresse à l'entreprise une mise en demeure dans laquelle elle se prévaut de la déchéance du terme du crédit-bail et menace de faire constater judiciairement la résiliation du contrat. Peu après, le plan de cession de l’entreprise est arrêté par un jugement qui prend acte de l’engagement du repreneur de reprendre les contrats de crédit-bail de l’entreprise et de payer les arriérés de loyers. Le repreneur n’exécute pas le crédit-bail relatif au broyeur. La banque lui notifie une sommation de payer et de restituer le matériel avant de le poursuivre en paiement des loyers dus et de l’indemnité de résiliation.
Le repreneur conteste la décision qui le condamne à payer à ce titre environ 325 000 €. Il soutient que le contrat de crédit-bail, résilié dès avant le jugement arrêtant le plan de cession, n’a pas pu lui être transféré. Certes, la résiliation à l’initiative de la banque pendant la période d’observation n’a pas été constatée par le juge-commissaire comme le prévoit l’article R 622-13 du Code de commerce mais, soutient le repreneur, l’intervention de ce magistrat est facultative et ne vise que les cas de résiliation prévus par l’article L 622-13, III du Code de commerce (absence de réponse de l’administrateur à la mise en demeure de statuer sur le sort du contrat ; défaut de paiement des sommes dues au titre de la continuation du contrat). Elle ne s'imposait donc pas en l’espèce, puisque le contrat de crédit-bail avait été résilié par l’effet de la clause de résiliation de plein droit qu’il contenait.
Arguments rejetés par la Cour de cassation sur le fondement des articles L 622-13, III-2° et R 622-13 du Code de commerce : lorsque ne sont pas payées à leur échéance, au cours de la période d’observation, des sommes dues en vertu d’un contrat de crédit-bail que l’administrateur a décidé de continuer, et à défaut d’accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles, la résiliation de plein droit de ce contrat doit, à la demande de tout intéressé, et peu important l’existence d’une clause résolutoire, être constatée par le juge-commissaire qui en fixe la date.
Le repreneur, qui soutenait que le contrat de crédit-bail avait été résilié de plein droit, n’avait pas saisi le juge-commissaire d’une demande tendant à voir constater cette résiliation. Le contrat en cause était donc toujours en cours à la date de la décision arrêtant le plan de cession.
A noter : Solution d’une grande portée pratique qui, rendue sous l’empire d’une ancienne rédaction de l’article L 622-13 du Code de commerce, est transposable au régime actuel. Elle vaut aussi pour les cas de résiliation des baux des immeubles utilisés par le débiteur pour son activité professionnelle prévus par l’article L 622-14, 1° et 2°. En vertu de l’article R 622-13 du Code de commerce (dans sa rédaction issue du décret 2009-160 du 12-2-2009), le juge-commissaire constate, sur la demande de tout intéressé, la résiliation de plein droit des contrats dans les cas prévus au III de l'article L 622-13 et à l'article L 622-14, ainsi que la date de cette résiliation. Il résulte de la décision commentée que, si l’intervention du juge-commissaire est laissée à l’initiative d’une personne intéressée, elle n’en demeure pas moins obligatoire pour faire produire effet à la résiliation de plein droit du contrat. Il en est ainsi que cette résiliation résulte d’un des cas prévus par l’article L 622-13 ou d’une clause du contrat. L’auteur d’une offre de reprise de l’entreprise a donc intérêt à s’enquérir du sort des contrats en cours et, le cas échéant, à saisir le juge-commissaire – par requête ou déclaration au greffe du tribunal (art. R 621-21) – pour faire constater la résiliation de ceux qu’il n’entend pas reprendre.