La dation de titres en règlement d’une soulte successorale met fin aux différés d’imposition
CE 10e-9e ch. 4-12-2017 no 392290
La dation en paiement de titres en règlement d’une soulte successorale constitue une cession à titre onéreux mettant fin au différé d’imposition des plus-values d’échange.
1. La dation en paiement permet à un débiteur de céder la propriété d’un bien en paiement de tout ou partie du montant de sa dette. Cette technique est bien connue en fiscalité, le contribuable pouvant remettre à l’Etat des œuvres d’art et des objets de collection afin de se libérer de certaines dettes fiscales (droits de mutation à titre gratuit, IFI et droit de partage). Mais ses effets fiscaux demeurent largement méconnus lorsque la dation en paiement porte sur des titres reçus dans le cadre de restructurations ayant donné lieu au différé d’imposition de plus-values d’échange. Dans une décision inédite, le Conseil d’Etat juge que la dation en paiement de titres en règlement d’une soulte successorale constitue une cession à titre onéreux mettant fin au différé d’imposition des plus-values.
2. Dans cette affaire, le contribuable avait procédé entre 1993 et 2005 à plusieurs apports à une société holding de titres précédemment reçus en donation de son père. Les plus-values d’échange avaient été placées, selon le cas, sous un régime de report ou de sursis d’imposition. Après le décès de son père, il avait versé à sa cohéritière dans le cadre de l’acte de partage successoral une soulte réglée pour partie par une dation en paiement des titres de la société holding. Considérant que la dation avait mis fin aux reports et sursis d’imposition, l’administration avait imposé les plus-values d’échange. Le juge de cassation confirme l’analyse des services fiscaux.
A noter : En matière de succession, la soulte est versée par un héritier à un autre héritier pour compenser une inégalité non justifiée dans la répartition des biens (C. civ. art. 826).
3. La cession à titre onéreux de titres reçus en rémunération de l’échange constitue un événement mettant fin aux reports et sursis d’imposition en litige (CGI ancien art. 92 B, II et 150-0 B). Celle-ci se caractérise non seulement par un transfert de propriété, mais aussi par une contrepartie qui peut revêtir une autre forme que le paiement en numéraire, telle que l’apurement de dettes (CE 1-10-1986 no 44835) ou l’inscription du prix de cession au compte courant du cédant dans les écritures du cessionnaire (CE 21-12-1990 no 64512). Or l’existence d’une contrepartie pose question en présence d’une soulte successorale qui constitue, d’un point de vue civil, non pas un prix mais une indemnité. Pour ce motif, le tribunal administratif avait cru pouvoir juger que la dation en paiement de titres en règlement de la soulte fait partie intégrante de la succession sans donner lieu à aucune contrepartie (TA Cergy-Pontoise 13-2-2013 no 1006522 et 1100605 ; annulé par CAA Versailles 27-5-2015 no 13VE01969).
4. Sans remettre en cause cette analyse civile fondée sur l’article 883 du Code civil, le Conseil d’Etat consacre une interprétation autonome dégagée « au sens et pour l’application de la loi fiscale ». D’un point de vue fiscal, la dation en paiement sous forme de titres a bien une contrepartie en permettant au contribuable de se libérer de son obligation légale de versement de la soulte successorale. Elle se traduit par ailleurs par un transfert de propriété des titres. Par suite, elle doit être regardée comme une cession à titre onéreux mettant fin aux reports et sursis d’imposition des plus-values d’échange. En pratique, cette solution permet d’assurer la neutralité du traitement de l’opération, la déchéance du différé d’imposition pouvant résulter indifféremment de la dation des titres ou de leur vente aux fins de procéder à un versement en numéraire.