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Une assemblée ne peut pas choisir un autre commissaire aux comptes que celui prévu à l’ordre du jour

Cass. com. 14-2-2018 n° 15-16.525

Malgré un objectif identique de nomination d’un commissaire aux comptes, le fait de proposer un nom différent de celui figurant à l’ordre du jour adressé avec la convocation constitue une résolution nouvelle sur laquelle l’assemblée ne peut pas valablement délibérer.

Les associés d’une SARL sont convoqués à une assemblée générale ordinaire ayant pour ordre du jour la nomination d’un commissaire aux comptes nommément désigné et dont la candidature est annexée à la lettre de convocation. Cette résolution est rejetée par l’associé majoritaire et l'assemblée nomme un commissaire aux comptes différent de celui proposé par le gérant.

Une cour d’appel valide cette décision. Selon elle, les associés demeurent libres de leurs choix et peuvent voter pour un commissaire aux comptes différent de celui inscrit à l’ordre du jour ; le pouvoir d’une assemblée générale ordinaire ne se limite pas à l’approbation ou au rejet des résolutions proposées mais s’étend à leur modification.

La Cour de cassation censure cette décision : est nouvelle une résolution proposant la nomination d’un commissaire aux comptes autre que celui figurant dans la résolution adressée avec l’ordre du jour tendant aux mêmes fins de désignation.

Par suite, la délibération de l’assemblée générale sur cette seconde résolution est irrégulière.

A noter L'ordre du jour de l'assemblée de SARL doit être indiqué dans les lettres de convocation (C. com. art. R 223-20, al. 1). Il est librement fixé par l'auteur de la convocation. Sous réserve des questions diverses, qui ne doivent présenter qu'une minime importance, les questions inscrites à l'ordre du jour doivent être libellées de telle sorte que leur portée et leur contenu apparaissent clairement, sans qu'il y ait lieu de se reporter à d'autres documents (C. com. art. R 223-20, al. 4). Le législateur a voulu éviter que le gérant n’inscrive des résolutions ambiguës ou des résolutions complexes dans la rubrique questions diverses ; corrélativement, les associés ne peuvent pas statuer sur des questions non inscrites à l’ordre du jour.

Au cas particulier, l’ordre du jour résultant de la convocation portait sur la nomination des seuls commissaires aux comptes nommément désignés et fermait donc toute possibilité de présenter d’autres candidats. L’assemblée aurait-elle pu nommer un autre commissaire aux comptes que celui proposé si l'ordre du jour avait mentionné en termes généraux « nomination de commissaires aux comptes », sans précision sur leur identité ? On peut penser que oui, sous réserve que soient fournis aux participants un dossier de candidature ainsi que les informations requises concernant leur indépendance (C. com. art. L 820-3). En effet, l’assemblée ne serait alors pas sortie des limites de l’ordre du jour qui lui aurait été soumis. Et il a été jugé, dans un cas où l'ordre du jour d’une assemblée était relatif à « l'approbation du projet de fusion prévoyant la transmission universelle du patrimoine » de l'absorbée à l'absorbante, que l’assemblée n'était pas sortie des limites de l'ordre du jour en décidant d'approuver le projet après avoir modifié les conditions de l’opération (Cass. com. 6-10-2015 n° 14-11.680). Signalons que l’associé de SARL souhaitant proposer un autre commissaire aux comptes que celui figurant à l’ordre du jour pourra, à l’occasion des assemblées convoquées à compter du 1er avril 2018 et s’il détient au moins 5 % des parts sociales, faire inscrire un projet de résolution en ce sens dans les conditions prévues par les articles R 223-20-2 s. du Code de commerce issus du décret 2018-146 du 28 février 2018.

En cas de non-respect de l'ordre du jour, il n'existe pas, pour la SARL, de disposition analogue à l'article L 225-121, al. 1 du Code de commerce qui sanctionne, dans les SA, la violation de l'ordre du jour lors de l'assemblée générale par la nullité des délibérations. Cette question n’est pas définitivement tranchée, mais la cour d'appel de Paris a assimilé le non-respect de l'ordre du jour lors de la tenue de l’assemblée à une violation des règles de convocation tombant sous le coup de la nullité prévue par l'article L 223-27, dernier al. (CA Paris 15-2-2008 n° 07-14454). La Cour de cassation qui a rendu son arrêt sur le fondement des articles L 223-27 et R 223-20 du Code de commerce semble avoir suivi le même raisonnement.