EIRL : réunion des patrimoines si les biens affectés à l’activité ne sont pas déclarés
Cass. com. 7-2-2018 n° 16-24.481
Commet un manquement grave aux règles de composition de son patrimoine affecté l’entrepreneur ayant le statut de l’EIRL qui ne déclare pas quels biens il affecte à son activité professionnelle ; s'il est mis en liquidation judiciaire, ses deux patrimoines sont donc soumis à la procédure.
Pour adopter le statut de l’EIRL (entreprise individuelle à responsabilité limitée), un entrepreneur doit affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel composé des biens nécessaires à son activité professionnelle (C. com. art. L 526-6, al. 1). La constitution d’un tel patrimoine résulte du dépôt d’une déclaration d’affectation comportant notamment un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés affectés à l’activité professionnelle, en nature, qualité, quantité et valeur (art. L 526-7 et L 526-8).
Le dépôt d’une déclaration d’affectation qui ne mentionne aucun des éléments affectés par l’entrepreneur à son activité constitue un manquement grave aux règles de composition du patrimoine affecté, de nature à justifier la réunion des patrimoines dans le cadre de la procédure collective de l'entrepreneur, en application de l’article L 621-2, al. 3 du Code de commerce.
Après avoir énoncé ce principe, la Cour de cassation a censuré la décision d'une cour d'appel ayant refusé d'ordonner la réunion des patrimoines d'un entrepreneur ayant adopté le statut de l'EIRL après sa mise en liquidation judiciaire à raison de son activité professionnelle, alors qu'il n'avait pas mentionné les éléments affectés à cette activité dans sa déclaration.
A noter : Le statut de l’EIRL permet à un entrepreneur de séparer son patrimoine personnel de son patrimoine professionnel afin de ne pas engager la totalité de son patrimoine pour payer les dettes de son entreprise. Les créanciers auxquels la déclaration d’affectation est opposable (créanciers dont les droits sont nés après son dépôt) ont pour seul gage général le patrimoine affecté si leurs droits sont nés à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ; ils ont pour seul gage général le patrimoine non affecté s’ils sont des créanciers personnels de l’entrepreneur ou si leurs droits sont nés à l’occasion de l’exercice par ce dernier d’une autre activité professionnelle (C. com. art. L 526-12, al. 1 à 4). Toutefois, en cas de manquement grave de l’entrepreneur aux règles de composition du patrimoine affecté, les créanciers peuvent le poursuivre sur la totalité de ses biens et droits et, si l'entrepreneur fait l'objet d'une procédure collective à raison de son activité professionnelle, ses patrimoines sont réunis à la procédure (art. L 526-12, al. 5, L 621-2 et L 526-6, al. 2). Les articles L 526-12 et L 621-2 ne précisent pas ce qu’il faut entendre par « manquement grave ». Au cas particulier où l'entrepreneur s'installait en tant que marchand ambulant, la cour d'appel avait retenu que la déclaration d’affectation avait été acceptée par le greffe et que l’entrepreneur avait intentionnellement utilisé le sigle « EIRL » pour ouvrir un compte bancaire dédié à son activité professionnelle et faire immatriculer le véhicule destiné à l’exercice de cette activité. Il s'en déduisait que le contenu de la déclaration n'a qu'un rôle probatoire concernant la consistance du patrimoine affecté et que l'entrepreneur pouvait prouver par tous moyens quels biens il avait affectés. La Cour de cassation ne retient pas cette interprétation. Les éléments affectés doivent être mentionnés dans la liste déposée au registre de publicité légale (pour les commerçants, au registre du commerce et des sociétés). La mention des éléments affectés dans la déclaration est destinée à informer les créanciers de la consistance du patrimoine affecté qui constitue leur seul gage. Sans cette mention, l'entrepreneur entretient un doute sur les éléments nécessaires à son activité qui sont affectés.