Une condition suspensive stipulée sans terme fixe doit être réalisée dans un délai raisonnable
Cass. 3e civ. 20 mai 2015 n°14-11.851.
L’insertion à la promesse de vente d’une condition suspensive sans terme fixe n’a pas pour effet de conférer à l’obligation un caractère perpétuel : elle doit être réalisée dans un délai raisonnable, déterminé par le juge qui interprète la commune intention des parties.
Par acte sous seing privé, un propriétaire vend une parcelle à un particulier sous la condition suspensive de l’obtention d’un certificat d’urbanisme, sans fixer de délai pour la réalisation de cette condition. Six ans plus tard, l’acquéreur assigne les héritiers du vendeur en réitération de la vente. C’est seulement alors que le certificat d’urbanisme est demandé. La cour d’appel rejette la demande de l’acquéreur.
La Cour de cassation confirme. Elle décide que la stipulation d’une condition suspensive sans terme fixe ne peut pas conférer à l’obligation un caractère perpétuel et, interprétant la volonté des parties, estime qu’elles avaient eu la commune intention de fixer un délai raisonnable pour la réalisation de la condition suspensive. Ce délai raisonnable est dépassé, le certificat d’urbanisme n’ayant été demandé que sept ans après la vente et postérieurement à l’introduction de l’instance. L’acquéreur ne peut plus renoncer à une condition dont le terme est expiré, et la promesse de vente est caduque.
A noter : Les juges sont unanimes pour décider, sur le fondement de l’article 1176 du Code civil aux termes duquel « s’il n’y a point de temps fixe, la convention peut toujours être accomplie », que la condition qui n’est pas limitée dans le temps n’est pas un engagement perpétuel et ne rend pas nulle la convention qui la contient.
Mais sur la position à adopter face au caractère incertain de ce délai, la jurisprudence est divisée. Certains juges interprètent la volonté des parties pour enfermer la condition dans un délai raisonnable, prenant appui sur l’article 1175 du Code civil qui prévoit que « toute condition doit être accomplie de la manière dont les parties ont vraisemblablement voulu et entendu qu’elle le fût ». C’est ce qu’ont fait les juges en l’espèce, réitérant une solution ancienne (Cass. 3 e civ. 3-2-1982). A l’inverse, certains juges appliquent strictement l’article 1176 du Code civil qui prévoit que la condition n’est défaillie que lorsqu’il est certain que l’événement n’arrivera pas. Ils ne recherchent pas la volonté des parties et décident que le contrat subsiste tant que la condition peut être accomplie (voir notamment Cass. 1 e civ 4-6-1991 ; Cass. 3 e civ. 19-12-2001).
Dans le premier cas, le juge doit déterminer un terme implicite et il est à craindre qu’il n’interprète mal la volonté des parties ; dans le second, que le contrat ne soit figé indéfiniment et bien au-delà d’un délai raisonnable. Par souci de sécurité juridique, la prévision d’un délai est donc fortement conseillée en pratique.