Commet une faute séparable de ses fonctions le dirigeant qui organise l’insolvabilité de sa société
CA Versailles 6 août 2015 n°12/08939, 13e ch.
Le dirigeant d’une société constituée pour acquérir le capital d’une autre société qui organise l’insolvabilité de la première société, ce qui interdit à celle-ci de payer le prix d’achat des parts de la seconde, engage sa responsabilité personnelle envers le cédant.
Une société (A) avait été constituée afin d’acquérir l’intégralité des parts d’une autre société (B) moyennant un prix de 250 000 € payable en plusieurs fois. Elle n’avait pas pu régler la totalité du prix de vente aux cédants. En effet, après l’achat, elle avait accordé à la société B des avances de trésorerie, qui ne lui avaient pas été remboursées, puis elle avait cédé pour un euro l’intégralité des parts de cette société, qui constituait son seul actif, à une autre société (C) ayant le même dirigeant qu’elle, après lui avoir vendu le matériel de la société B au prix de 305 971 € alors que sa valeur comptable était de 17 255 €. Ces opérations avaient provoqué son appauvrissement et sa dissolution.
La cour d’appel de Versailles a jugé qu’en prenant ces décisions défavorables à la société A, qui avaient eu pour effet d'avantager la société C et qui pourraient recevoir la qualification pénale d’abus de biens sociaux, leur dirigeant avait commis des fautes d'une particulière gravité incompatibles avec l'exercice normal de ses fonctions.
Elle l’a donc déclaré personnellement responsable envers les cédants et l’a condamné à leur verser 44 000 €, somme fixée à la mesure de la chance perdue par ces derniers de recouvrer leur créance sur la société A en raison de ces fautes.
A noter : Nouvel exemple de faute séparable des fonctions définie comme la faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions sociales (Cass. com. 20-5-2003 n° 99-17.092). Le dirigeant qui commet une telle faute engage sa responsabilité personnelle envers les tiers. On rappelle qu’une infraction pénale intentionnelle constitue toujours une faute séparable (Cass. com. 9-12-2014 n° 13-26.298).
Sur le terrain de la réparation, les juges du fond ont refusé d’allouer aux cédants, à titre de dommages et intérêts, le solde du prix de cession dû par la société A (214 981 €), considérant que le dommage subi résidait dans la perte de chance de recouvrer ce solde. La réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut pas être égale à l'avantage qu'elle aurait procuré si elle s'était réalisée (Cass. 1e civ. 26-9-2012 ; Cass. com. 24-3-2015).