Actualités

Location financière : l'obligation de payer le loyer à défaut de restitution du matériel loué constitue une clause pénale réductible

CA Versailles 6 août 2015 n° 13-05623

Est une clause pénale celle d’un bail imposant au locataire de continuer à payer le loyer s’il ne rend pas le matériel loué à la fin du bail. La somme due par le locataire au bout de cinq ans est excessive et doit être réduite, le matériel ayant été amorti pendant le bail.

Un contrat de location financière portant sur du matériel informatique et vidéo précisait que, à défaut de restitution du matériel dès la fin du contrat, le locataire devrait verser au bailleur une indemnité égale au loyer jusqu’à la restitution effective du matériel. Le bailleur, auquel le matériel n’avait pas été rendu plusieurs années après la résiliation du contrat, avait réclamé en justice la restitution ainsi que le paiement par l’entreprise locataire d’environ 33 000 € au titre de la clause précitée.

Cette indemnité conventionnelle constituait-elle, comme le soutenait le locataire, une clause pénale dont le juge peut réduire le montant en cas d’excès manifeste (application de l’article 1152, al. 2 du Code civil) ou une « indemnité de jouissance » non réductible ainsi que le prétendait le bailleur ?

La cour d’appel de Versailles a retenu la qualification de clause pénale en raison de la fonction tant comminatoire que réparatrice de l’indemnité. Certes, celle-ci représentait pour le bailleur la contrepartie du service dont le locataire continuait de bénéficier après la fin du bail en conservant le matériel loué. Mais elle visait également à contraindre le locataire à le restituer et elle constituait une évaluation forfaitaire et anticipée du montant du préjudice subi par le bailleur du fait de l’absence de restitution ; elle s'appliquait du seul fait de cette inexécution. 

La cour d’appel a jugé que l’indemnité, fixée forfaitairement au montant du loyer, était manifestement excessive au regard du préjudice effectivement subi par le bailleur, compte tenu des circonstances suivantes : le contrat portait sur des biens d'équipement professionnels à forte obsolescence (ordinateurs, imprimantes, serveur, moniteurs, disques durs externes, écrans et serveur de vidéo surveillance) et qui avaient vocation à être renouvelés régulièrement. Les conditions financières de la location avaient été établies en fonction d'une valeur d'achat et d'un taux d'intérêt, afin qu'au dernier loyer contractuel le capital et les intérêts soient entièrement remboursés et que le bailleur amortisse le coût d’achat du matériel et perçoive son gain sur la durée de la location. Il était certain, à la date où la cour statuait, que les matériels non restitués depuis plus cinq ans avaient perdu toute valeur compte tenu de leur nature mais, le contrat ayant été exécuté jusqu’au terme initialement prévu, le bailleur avait perçu la totalité des loyers qu'il était en droit d'attendre. Par suite, le montant de l’indemnité a été réduit à 4 000 €.

A noter : Application de principes constants. 
La clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution (C. civ. art. 1226). Pour retenir la qualification de clause pénale, les tribunaux contrôlent donc si la clause litigieuse tend à forcer à l’exécution du contrat ou en sanctionne l’inexécution par une évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice résultant de l'inexécution (jurisprudence constante ; pour d’autres applications en matière de crédit-bail d’équipements professionnels, voir Cass. com. 24-5-2005 ; Cass. com. 7-7-2009). Si, en l’espèce, l’indemnité prévue pouvait être perçue comme la rémunération de la jouissance par le locataire du matériel conservé, elle avait avant tout pour but de le contraindre à la restitution et, en cas de manquement, à indemniser le bailleur.
Le juge ne peut réviser le montant de la clause pénale que s’il est manifestement excessif ou dérisoire (C. civ. art. 1157, al. 2). La disproportion s'apprécie au regard du préjudice subi par le bénéficiaire de la clause (Cass. com. 14-10-2008 ; Cass. com. 16-2-2010 n° 09-13.380), selon les circonstances de l’espèce. Par exemple, dans le cas d'un crédit-bail de matériel conclu pour cinq ans et résilié au bout d'une année, l'indemnité de résiliation fixée au montant des loyers à échoir été jugée disproportionnée par rapport au préjudice subi par le crédit-bailleur auquel le matériel a été restitué (CA Paris 27-1-2015). Dans l’affaire commentée, les juges ont considéré que l’exécution du contrat jusqu’à son terme avait permis au bailleur d’amortir son investissement initial (l’achat du matériel donné en location), de sorte que l’absence de valeur du matériel à restituer n’était pas déterminante dans l’évaluation du préjudice subi. 
Une fois la disproportion établie, le juge fixe souverainement le montant de l'indemnité due sans être tenu de le limiter à celui du préjudice réellement subi (Cass. 1e civ. 8-6-2004).
Soulignons que le projet de réforme du droit des contrats ne remet pas en cause ces principes. Il ajoute seulement que le juge peut diminuer la sanction convenue lorsque l'engagement a été partiellement exécuté à proportion de l'intérêt que cette exécution a procuré au créancier (art. 1231-5).