Litiges de consommation : la médiation se généralise et les professionnels doivent s’organiser
Ordonnance 2015-1033 du 20 août 2015 : JO du 21 août p. 14721 Décret 2015-1382 du 30 octobre 2015 : JO du 31 octobre p. 20408
A partir du 1er janvier 2016, un consommateur qui aura vainement tenté de résoudre un différend avec un professionnel pourra, s’il le souhaite, saisir le médiateur de la consommation que le professionnel lui aura indiqué. D’ici là, tous les professionnels doivent s’organiser pour être en mesure de proposer un médiateur notamment par la mise à jour des conditions générales de vente.
1. Transposant la directive européenne 2013/11/UE du 21 mai 2013, une ordonnance du 20 août 2015 a organisé un régime de médiation des litiges de consommation (C. consom. art. L 151-1 à L 156-4 nouveaux). Un décret vient d’en préciser les conditions de mise en œuvre (C. consom. art. R 152-1 à R 156-2 nouveaux).
Nous présentons ci-dessous les principales mesures du dispositif qui est entré en vigueur le 1er novembre 2015 : si le professionnel a désigné un médiateur, le consommateur peut le saisir dans les conditions définies ci-après. Les professionnels ont jusqu’au 1er janvier 2016 pour mettre en place le dispositif (Ord. 2015-1033 art. 7).
Les professionnels doivent permettre aux consommateurs de recourir à la médiation
2. Tout consommateur a désormais le droit de recourir gratuitement (sauf éventuels frais d’avocat et d’expertise) à un médiateur de la consommation en vue de la résolution amiable d’un litige qui l'oppose à un professionnel. A cet effet, le professionnel doit garantir au consommateur le recours effectif à un dispositif de médiation de la consommation. Ce professionnel peut mettre en place son propre dispositif de médiation ou proposer au consommateur le recours à tout autre médiateur de la consommation répondant aux exigences légales. Lorsqu'il existe un médiateur de la consommation pour l'ensemble des entreprises du domaine d'activité dont relève le professionnel (médiateur de l’énergie, de l’assurance, etc.), il doit toujours permettre au consommateur de recourir à ce médiateur (C. consom. art. L 152-1).
3. La médiation n’est pas une obligation pour le consommateur : toute clause ou convention obligeant le consommateur, en cas de litige, à recourir à une médiation préalablement à la saisine du juge est interdite (C. consom. art. L 152-4).
Un dispositif au champ d’application large mais des exclusions
4. Le processus de médiation peut s’appliquer aux litiges nés de ventes ou de prestations de services entre un professionnel et un consommateur.
Est un professionnel toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit, y compris par un intermédiaire, à des fins entrant dans son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale (C. consom. art. L 151-1).
5. Sont compris les litiges avec les établissements de crédit, les sociétés de financement, les établissements de monnaie électronique, les établissements de paiement, les entreprises d'investissement, les organismes et les intermédiaires d’assurance (C. mon. fin. art. L 316-1 modifié).
En revanche, ne sont pas considérés comme des litiges de consommation et sont donc exclus du processus les services d’intérêt général non économiques et les services de santé fournis par des professionnels de la santé aux patients, y compris la fourniture de médicaments (C. consom. art. L 151-4).
6. La médiation de la consommation s’applique aux litiges de nature contractuelle (C. consom. art. L 151-1 et L 151-2) :
- nationaux (professionnel établi en France et consommateur résidant en France) ;
- transfrontaliers (professionnel établi en France et consommateur résidant, au moment de la conclusion du contrat, dans un autre Etat membre de l’Union européenne).
La médiation ne s'applique pas aux litiges entre professionnels
7. La médiation des litiges de la consommation ne s'applique pas dans les cas suivants (C. consom. art. L 151-3) :
- litiges entre professionnels ;
- réclamations portées par le consommateur auprès du service clientèle du professionnel ou négociations directes entre le consommateur et le professionnel (une réclamation préalable du consommateur auprès du professionnel est néanmoins nécessaire pour saisir le médiateur : n° 9) ;
- tentatives de conciliation ou de médiation ordonnées par un tribunal saisi du litige ;
- procédures introduites par un professionnel contre un consommateur.
Une procédure très encadrée et informatisée
8. Tout professionnel doit communiquer au consommateur les coordonnées du ou des médiateurs compétents dont il relève, en les indiquant de manière visible et lisible sur son site internet, sur ses conditions générales de vente ou de service, sur ses bons de commande ou sur tout autre support adapté. Il doit également y mentionner l’adresse du site internet de ce ou ces médiateurs. Le professionnel est aussi tenu de fournir ces informations au consommateur dès lors qu'un litige n'a pas pu être réglé dans le cadre d'une réclamation préalable directement introduite auprès de ses services (C. consom. art. L 156-1 et R 156-1).
Tout manquement est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale (C. consom. art. L 156-3).
9. Un litige ne peut pas être examiné par le médiateur de la consommation lorsque (C. consom. art. L 152-2, al. 2 à 6) :
- le consommateur ne justifie pas avoir tenté, au préalable, de le résoudre directement auprès du professionnel par une réclamation écrite selon les modalités prévues, le cas échéant, dans le contrat ;
- la demande est manifestement infondée ou abusive ;
- le litige a été précédemment examiné ou est en cours d'examen par un autre médiateur ou par un tribunal ;
- le consommateur a introduit sa demande auprès du médiateur dans un délai supérieur à un an à compter de sa réclamation écrite auprès du professionnel ;
- le litige n'entre pas dans son champ de compétence.
Le consommateur doit être informé par le médiateur, dans un délai de trois semaines à compter de la réception de son dossier, du rejet de sa demande de médiation (C. consom. art. L 152-2, dernier al.).
Le consommateur peut déposer une demande sur le site du médiateur
10. Tout médiateur de la consommation doit mettre en place un site internet consacré à la médiation et fournissant un accès direct aux informations relatives au processus de médiation. Ce site doit permettre aux consommateurs dedéposer en ligne une demande de médiation accompagnée des documents justificatifs. Sur demande, ces informations peuvent être mises à disposition sur un autre support durable. Les parties doivent toujours avoir la possibilité de recourir à la médiation par voie postale (C. consom. art. L 154-1).
Les parties ont la faculté, à leurs frais, de se faire représenter par un avocat ou de se faire assister par toute personne de leur choix à tous les stades de la médiation. Chaque partie peut également solliciter l'avis d'un expert, dont les frais sont à sa charge ; en cas de demande conjointe d'expertise, les frais sont partagés entre les parties (C. consom. art. R 152-1).
11. Dès réception des documents sur lesquels est fondée la demande du consommateur, le médiateur de la consommation doit notifier sa saisine aux parties, par voie électronique ou par courrier simple. Cette notification doit leur rappeler qu'elles peuvent à tout moment se retirer du processus (C. consom. art. R 152-2).
L'issue de la médiation doit intervenir, au plus tard, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de la notification. A tout moment, le médiateur peut prolonger ce délai, en cas de litige complexe. Il doit alors en aviser immédiatement les parties (C. consom. art. R 152-5).
12. Le médiateur doit communiquer, à la demande de l'une des parties, tout ou partie des pièces du dossier. Il peutrecevoir les parties ensemble ou séparément. A défaut d'accord amiable entre elles, il doit leur proposer une solution pour régler le litige (C. consom. art. R 152-3).
La médiation des litiges de consommation est soumise à l’obligation de confidentialité (C. consom. art. L 152-3).
Le médiateur doit faire connaître aux parties la solution proposée par courrier simple ou par voie électronique, en leur rappelant (C. consom. art. R 152-4) :
- qu'elles sont libres d'accepter ou de refuser sa proposition de solution ;
- que la participation à la médiation n'exclut pas la possibilité d'un recours devant une juridiction ;
- que la solution qu'il propose peut être différente de la décision qui serait rendue par un juge.
Le médiateur doit également préciser quels sont les effets juridiques de l'acceptation de la proposition de solution et fixer un délai d'acceptation ou de refus de celle-ci.
Les parties peuvent faire homologuer leur accord
La médiation des litiges de consommation est soumise aux règles générales sur la médiation prévues par la loi 95-125 du 8 février 1995, quand elles ne sont pas contraires au régime spécifique (C. consom. art. L 151-2). Il en résulte que les parties qui trouvent un accord peuvent le rendre exécutoire en le faisant homologuer par le juge compétent pour connaître du contentieux en la matière (CPC art. 1565).
Des médiateurs inscrits, éventuellement employés ou rémunérés par les professionnels
13. Les médiateurs de la consommation doivent être inscrits sur une liste nationale, notifiée à la Commission européenne (C. consom. art. L 153-1).
Les personnes physiques ou morales qui souhaitent être inscrites sur la liste doivent présenter une demande à laCommission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation, rattachée au ministère de l’économie (C. consom. art. L 155-1 et R 154-3). La Commission doit évaluer régulièrement les médiateurs afin de vérifier qu'ils répondent toujours aux conditions et exigences de qualité propres à l'exercice de leur mission. Elle doit mettre à la disposition du public la liste actualisée des médiateurs sur son site internet et fournir le lien vers le site internet de la Commission européenne consacré à la médiation de la consommation ainsi que le lien vers le site internet du Centre européen des consommateurs France (C. consom. art. R 155-4 et R 155-5).
14. Un médiateur de la consommation peut être employé ou rémunéré exclusivement par un professionnel. Ce médiateur doit alors être désigné, selon une procédure transparente, par un organe collégial mis en place par l'entreprise, comprenant des représentants d'associations de consommateurs agréées et des représentants du professionnel, ou relevant d'une instance nationale consultative dans le domaine de la consommation ou propre à un secteur d'activité.
A l'issue de son mandat, ce médiateur a l'interdiction de travailler pendant au moins trois ans pour le professionnel qui l'a employé ou pour la fédération à laquelle ce professionnel est affilié. Aucun lien hiérarchique ou fonctionnelentre le professionnel et le médiateur ne peut exister pendant l'exercice de sa mission de médiation. Le médiateur doit être clairement séparé des organes opérationnels du professionnel et disposer d'un budget distinct et suffisant pour l'exécution de ses missions (C. consom. art. L 153-2).
Des obligations de compétence et de transparence pour les médiateurs
15. Le médiateur de la consommation doit accomplir sa mission avec diligence et compétence, en toute indépendance et impartialité, dans le cadre d'une procédure transparente, efficace et équitable. Il doit établir chaque année un rapport sur son activité, posséder des aptitudes dans le domaine de la médiation ainsi que de bonnes connaissances juridiques, notamment dans le domaine de la consommation, être nommé pour une durée minimale de trois années, être rémunéré sans considération du résultat de la médiation, ne pas être en situation de conflit d'intérêts et le cas échéant le signaler (C. consom. art. L 153-1).
Sur son site internet, il doit notamment indiquer ses diplômes ou son parcours professionnel, son appartenance, le cas échéant, à des réseaux de médiateurs de litiges transfrontaliers, les types de litiges relevant de sa compétence. Il doit aussi mettre à la disposition du public sur son site internet, ou communiquer sur demande, son rapport annuel d'activité (C. consom. art. R 154-1).