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L'action en nullité des actes de société se prescrit par trois ans même en cas de fraude

Cass. 3e civ. 15 octobre 2015 n° 14-17.517

La prescription triennale s'applique à toutes les actions en nullité visant les actes postérieurs à la constitution de la société, peu important que l'irrégularité résulte d'une simple omission ou d'une fraude.

L'associé minoritaire d'une société civile avait demandé l'annulation d'une cession de parts sociales conclue par un coassocié sans qu'ait été respectée la procédure d'agrément prévue par les statuts ainsi que l'annulation d'une décision d'assemblée dont le procès-verbal était revêtu d'une signature figurant la sienne mais qu'il prétendait contrefaite.

Son action ayant été engagée plus de trois ans après ces actes, était-elle prescrite, en application de l'article 1844-14 du Code civil (selon lequel les actions en nullité d'actes et délibérations postérieurs à la constitution d'une société se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue), ou bien la fraude dont l'associé avait été victime empêchait-elle l'application de la prescription spéciale de l'article 1844-14, ainsi que le soutenait l'associé ?

La Cour de cassation a jugé l'action prescrite : l'action en nullité d'une cession de parts fondée sur une irrégularité tirée des statuts et l'action en nullité d'une décision d'assemblée sont soumises à cette prescription, applicable à toutes les actions en nullité visant les actes et délibérations postérieurs à la constitution de la société, sans qu'il soit distingué selon le caractère relatif ou absolu de la nullité invoquée, et peu important que l'irrégularité résulte d'une simple omission ou, comme l'invoquait l'associé, de la fraude.

A noter : 1° Cette décision apporte pour la première fois une réponse claire à certaines interrogations sur le champ d'application de la prescription triennale à l'action en nullité d'un acte de société.

La cour d'appel de Paris avait déjà jugé, dans un cas où un associé agissant en nullité d'une augmentation de capital par apport de titres s'était fondé, pour échapper à la prescription triennale, sur la dissimulation frauduleuse d'informations relatives à la société apportée, qu'il n'existe aucune exception légale à l'application de la prescription triennale (CA Paris 19-3-2013 n° 12/00020). Sur pourvoi, la chambre commerciale avait considéré que la cour d'appel avait souverainement estimé que la preuve n'était pas rapportée d'une dissimulation d'informations de nature à empêcher les associés d'agir en nullité dans le délai de la prescription triennale (Cass. com. 8-7-2014 n° 13-17.244). La question n'était donc pas tranchée par la cour de cassation.

Il résulte de la décision ci-dessus que, même en cas de fraude, l'action en nullité est enfermée dans la prescription triennale, tout au moins si elle est engagée par un associé ou la société. La solution est moins certaine si l'action est intentée par un tiers (cf. Cass. 3e civ. 3-12-2013 n° 12-22.118).

2° La solution ci-dessus, applicable aux sociétés civiles, devrait s'appliquer aux sociétés commerciales en raison de l'identité de rédaction de l'article L 235-9 du Code de commerce avec l'article 1844-14 précité. Reste à savoir si la chambre commerciale, lorsqu'elle sera saisie de cette question, y apportera la même réponse que la troisième chambre civile.