Celui qui résilie abusivement un contrat peut aussi engager sa responsabilité envers un tiers
Cass. com. 20 octobre 2015 n° 14-20.540.
Une société ayant abusivement résilié une licence exclusive de marque a été condamnée à indemniser un des associés de la société licenciée car cette faute avait fait perdre à ce dernier le bénéfice d’une promesse d’achat de ses parts sociales.
Un tiers peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, si celui-ci lui cause un dommage.
Après avoir rappelé ce principe, la Cour de cassation en a fait application dans les circonstances suivantes.
Une société constituée par deux associés en vue de l’exploitation de salons de coiffure en Russie avait conclu un contrat de concession exclusive de licence d’une marque de notoriété internationale dans le domaine de la coiffure. L’un des associés s’était engagé à acheter les parts de son coassocié avant que le concédant de la marque ne résilie le contrat. La société avait été mise en liquidation judiciaire dix mois plus tard. La promesse d’achat des parts sociales avait été annulée pour erreur du promettant, celui s'étant engagé dans l'ignorance des faits invoqués par le concédant pour résilier le contrat qui constituait l'unique actif de la société. Finalement, le concédant avait été condamné pour rupture abusive du contrat.
Jugé que ce manquement contractuel était à l’origine du préjudice subi par l’associé bénéficiaire de la promesse d’achat qui s’était retrouvé dans l'impossibilité de la faire exécuter et de percevoir le prix de cession. Par suite, le concédant a été condamné à verser à cet associé 500 000 € de dommages-intérêts.
A noter : Le principe selon lequel la faute commise dans l'exécution d'un contrat est susceptible d'engager la responsabilité délictuelle de son auteur à l'égard des tiers n’est pas nouveau. Il est réaffirmé avec constance par la Cour de cassation (notamment, Cass. ass. plén. 6-10-2006 n° 05-13.255 ; Cass. com. 22-6-2010 n° 09-14.862 ; Cass. 1e civ. 30-9-2010 n° 09-69.129). Par exemple, la rupture abusive par un fabricant automobile du contrat de concession qui le lie à une société autorise la société mère de cette dernière à agir en responsabilité contre le fabricant (Cass. com. 21-10-2008 n° 07-18.487).
L’espèce commentée montre, s’il en était besoin, qu’une résiliation abusive de contrat peut avoir des conséquences au-delà des relations entre les parties et peut se révéler très coûteuse pour l’auteur de la rupture.