Société cotée : la limitation des droits de vote d'un actionnaire par le bureau de l'assemblée validée
CA Paris 5 novembre 2015 n° 15/03651, Sté Madag c/ SA Domia Group
Lorsque des actionnaires d'une SA cotée n'ont pas contesté l'existence entre eux d'une action de concert relevée par la société, le bureau de l'assemblée est fondé à limiter les droits de vote de l'un d'eux pour non-déclaration du franchissement d'un seuil de participation.
La Cour de cassation avait censuré un arrêt d'appel ayant admis que le bureau d'une assemblée d'actionnaires de société anonyme (SA) cotée avait valablement pu limiter les droits de vote de l'un d'eux pour non-déclaration du franchissement d'un seuil de participation en retenant que cet actionnaire était présumé agir de concert avec un autre. La Cour suprême avait rappelé que le bureau de l'assemblée ne peut pas priver de droit de vote des actionnaires agissant de concert qui n'ont pas notifié le franchissement d'un seuil de participation dès lors que l'existence de l'action de concert est contestée ; elle en avait déduit que la cour d'appel aurait dû rechercher si une telle contestation avait été soulevée lors de l'assemblée (Cass. com. 10-2-2015 n° 13-14.778).
Statuant sur renvoi après cassation, la cour d'appel de Paris a jugé que l'action de concert entre les deux actionnaires (deux sociétés contrôlées par une même personne) n'avait pas été contestée : quelques jours avant l'assemblée, la SA avait adressé à cette personne son rapport de gestion qui mentionnait le concert à deux reprises, sans susciter de réaction de la part de celle-ci ni des deux sociétés ; il ressort du procès-verbal de l'assemblée qu'aucune contestation relative au concert n'avait été soulevée, la personne contrôlant les deux sociétés ayant seulement indiqué qu'elle avait informé la SA de la montée en puissance de l'une des deux sociétés au capital sans faire référence à l'existence du concert. Peu importait à cet égard que l'autre société ait prêté ses actions à un actionnaire peu avant la tenue de l'assemblée.
Le bureau était donc compétent pour décider la limitation des droits de vote litigieux.
A noter : 1° Une action de concert est présumée exister entre des sociétés contrôlées par la ou les mêmes personnes (C. com. art. L 233-10, II-3°), ce qui était le cas en l'espèce. Il appartenait aux intéressés de contester l'existence de ce concert pour renverser la présomption. En l'absence de contestation, caractérisée par la cour dans l'arrêt ci-dessus, la décision du bureau était fondée.
2° Un mois avant l'assemblée tenue en février 2008, l'associé contrôlant les deux sociétés actionnaires avait adressé à la SA un courriel intitulé « Déclaration de franchissement du seuil d'un tiers au 31-12-07 » précisant que l'une des sociétés avait acquis 5 504 nouveaux titres et que, compte tenu de cet achat, elle détenait désormais 634 905 actions ; il ajoutait que la participation de l'autre société demeurait inchangée à 190 000 titres et que le cumul représentait 33,52 % du capital de la SA.
La cour a estimé que ce courriel, s'il pouvait être considéré comme une déclaration du franchissement de seuil par le concert, ne constituait pas la déclaration de franchissement individuel à laquelle est tenue chacune des parties au concert (cf. C. com. art. L 233-7, I : « toute personne physique ou morale agissant seule ou de concert qui vient à posséder [...] informe la société ») et qu'il ne permettait pas de régulariser les franchissements de seuil antérieurs non déclarés.