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La clause d’arbitrage ne s’applique pas à l’action en nullité de la période suspecte

Cass. com. 17 novembre 2015 n° 14-16.012 (n° 988 F-PB), Sté Carrefour proximité France c/ Sté Perin Borkawiak ès qual.

La clause d’arbitrage figurant dans un contrat n’interdit pas au liquidateur judiciaire d’un des cocontractants de saisir le tribunal de la procédure collective pour demander l’annulation de ce contrat conclu en période suspecte.

Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie est nul lorsqu’il est intervenu entre la date de cessation des paiements du débiteur et sa mise en redressement ou en liquidation judiciaire (C. com. art. L 632-1, I-2° et L 641-14, al. 1).

Par un acte contenant une clause d’arbitrage, un franchiseur et un franchisé étaient convenus de résilier le contrat qui les liait sans indemnité de part et d’autre. Après la mise en liquidation judiciaire de l’ancien franchisé, le liquidateur judiciaire avait demandé au tribunal qui avait ouvert cette procédure d’annuler cet accord : il soutenait que celui-ci, conclu après la date de cessation des paiements de l’intéressé, constituait un contrat commutatif dans lequel les obligations de l’ancien franchisé excédaient celles du franchiseur. Ce dernier avait alors invoqué la clause d’arbitrage pour contester la compétence du tribunal saisi. Il faisait notamment valoir que cette clause était opposable au liquidateur qui agissait en nullité au nom de l’ancien franchisé, dessaisi par l’effet de la liquidation judiciaire.

La Cour de cassation a écarté cet argument et confirmé la compétence du tribunal de la procédure collective. En effet, le liquidateur judiciaire qui demande, à titre principal, la nullité d’un acte sur le fondement de l’article L 632-1, I-2° du Code de commerce ne se substitue pas au débiteur dessaisi pour agir en son nom mais exerce une action au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers. En conséquence, la clause d’arbitrage stipulée à l’acte litigieux était manifestement inapplicable au litige.

A noter : Le juge ne peut pas écarter une clause d'arbitrage, sauf si elle est manifestement nulle ou inapplicable au litige ; en dehors de ces exceptions, seul l'arbitre est habilité à se prononcer sur sa propre compétence (jurisprudence constante). 
La question de savoir si une clause d’arbitrage s’applique à une action engagée par le liquidateur judiciaire ne reçoit pas une réponse uniforme car celui-ci a un double rôle. D’une part, il exerce les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine pendant toute la durée de la liquidation judiciaire (C. com. art. L 641-9, I). D’autre part, il a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers (art. L 641-4 et, sur renvoi, art. L 622-20). Il faut donc distinguer à quel titre le liquidateur judiciaire agit. S’il se substitue au débiteur dessaisi pour agir en son nom, la clause est applicable (Cass. 1e civ. 29-1-2014 n° 12-29.104, action en nullité d'un contrat). En revanche, s’il agit dans l'intérêt des créanciers, la clause d'arbitrage est inapplicable (Cass. com. 14-1-2004 n° 02-15.541, action exercée contre le franchiseur pour soutien abusif apporté à la société franchisée ; Cass. 1e civ. 1-7-2009 n° 08-12.494, action en comblement du passif de la société en liquidation ; voir aussi Cass. com. 13-6-2006 n° 03-16.695, action en responsabilité délictuelle exercée par le commissaire à l'exécution du plan, transposable). Il ne fait guère de doute que le liquidateur qui demande l'annulation d’un contrat déséquilibré conclu en période suspecte le fait dans l’intérêt collectif des créanciers : cette action a pour effet de reconstituer l’actif du débiteur (art. L 632-4) afin de permettre un meilleur remboursement des créanciers. Tel est aussi le cas, et la solution est donc transposable, lorsque le liquidateur demande la nullité (facultative cette fois) d’un acte à titre onéreux conclu par le débiteur avec un cocontractant qui sait que celui-ci est en cessation des paiements (art. L 632-2, al. 1).