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Interdiction de gérer pour défaut de déclaration de la cessation des paiements

CA Paris 24 novembre 2015 n° 14/23088, ch. 5-8

Depuis la loi Macron, un dirigeant d'une société en liquidation judiciaire ne peut être condamné à une interdiction de gérer que s'il a « sciemment » omis de déclarer la cessation des paiements. Une cour d'appel a appliqué ce texte à une procédure collective en cours.

Une mesure d'interdiction de gérer peut être prononcée contre le dirigeant qui a « sciemment » omis de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans les quarante-cinq jours suivant la cessation des paiements de la personne morale, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation (C. com. art. L 653-8 modifié par la loi Macron du 6-8-2015 art. 239).

La cour d'appel de Paris a considéré que la nouvelle rédaction de cet article s'applique aux procédures collectives en cours à la date de publication de la loi du 6 août 2015 pour les raisons suivantes : à la différence d'autres articles de cette loi, l'article 239 n'est assorti d'aucune disposition qui en différerait l'application aux seules procédures ouvertes à compter de la publication de la loi ; il ajoute un élément constitutif au grief et constitue donc une loi plus douce que la loi ancienne.

La cour a estimé que le dirigeant poursuivi, qui avait déclaré tardivement la cessation des paiements de la société, avait sciemment omis la déclaration car il avait indiqué dans sa déclaration que la société était en état de cessation des paiements depuis un an, ce que le tribunal avait d'ailleurs confirmé. C'est donc en vain que le dirigeant soutenait ne pas avoir eu parfaitement conscience de l'état de sa société et du retard apporté dans le dépôt de la déclaration.

Par suite, elle a prononcé une mesure d'interdiction de gérer d'une durée d'un an contre le dirigeant.

A noter : Dans sa rédaction antérieure à la loi Macron, l'article L 653-8 du Code de commerce ne comportait pas le terme « sciemment ». Il a été précisé au cours des débats parlementaires que l'ajout de ce terme vise à éviter la condamnation d’un dirigeant simplement négligent ; seule une omission délibérée permet une telle condamnation (Rapport AN n° 2498). La décision ci-dessus constitue une des premières applications du nouveau texte.
Appliquer la loi nouvelle aux procédures en cours est une mesure favorable aux dirigeants. Néanmoins, l'argumentation suivie par la cour d'appel pour retenir cette solution est critiquable. En effet, les mesures d'interdiction de gérer sont des mesures d'intérêt public et non des sanctions pénales (notamment, Cass. com. 9-2-1988 n° 86-15.694; Cass. com. 16-10-2007 n° 06-10.805). De ce fait, l'application de la loi dans le temps est déterminée par référence aux règles du droit civil et non du droit pénal et le texte, même moins sévère, n'est pas applicable aux instances en cours.