ISF : Exonération partielle des titres des mandataires sociaux : la rémunération n’est pas nécessaire
Cass. com. 5-1-2016 n° 14-23.681
Pour l’application de l’exonération partielle des titres détenus par les salariés et mandataires sociaux, la Cour de cassation juge, dans une décision de principe, que l’activité principale n’implique pas nécessairement de percevoir une rémunération.
1. En application de l’article 885 I quater du CGI, les parts ou actions de sociétés détenues par les salariés et les mandataires sociaux sont exonérées d’ISF à concurrence des trois quarts de leur valeur sous réserve notamment que le redevable exerce son activité principale dans la société. Dans les sociétés soumises à l’IS, cette activité doit être exercée en tant que salarié ou mandataire social. Statuant pour la première fois sur l’application de ce dispositif, la Cour de cassation juge, dans un arrêt de principe du 6 janvier 2016, que cette condition n’implique pas nécessairement de percevoir une rémunération.
2. Dans l’affaire soumise à la Cour, le redevable était, durant les années en litige, administrateur de la société, mandat qu’il avait conservé après avoir été révoqué de ses fonctions de président du conseil d’administration plusieurs années auparavant. La cour d’appel, validant le redressement de l’administration, lui avait refusé le bénéfice de l’exonération partielle au motif qu’il ne justifiait pas avoir tiré des revenus de sa fonction d’administrateur et qu’il n’établissait donc pas qu’il s’agissait de son activité principale.
L’administration définit l’activité principale comme en matière de biens professionnels
3. Pour l’appréciation du caractère principal de l’activité exercée dans la société, la doctrine administrative renvoie aux critères retenus pour l'application de l'exonération des biens professionnels(BOI-PAT-ISF-30-40-80 n° 60), qui subordonne le bénéfice de l’exonération à l’exercice à titre principal par le propriétaire des biens d’une profession commerciale, artisanale, agricole ou libérale (CGI art. 885 N).
Ainsi, selon l’administration, l’activité principale s’entend, en cas de pluralité d’activités professionnelles (y compris salariées), de celle qui constitue pour le redevable l’essentiel de ses activités économiquescompte tenu notamment du temps consacré à chaque activité, de l’importance des responsabilités exercées ou des difficultés rencontrées. Si ce critère est inopérant (par exemple lorsque les activités professionnelles sont d’égale importance), l’activité principale est celle qui procure au redevable la plus grande part de ses revenus. Il est alors fait abstraction des revenus qui ne se rattachent pas à une activité professionnelle (notamment revenus fonciers, revenus de capitaux mobiliers, plus-values des particuliers) ou qui se rattachent à une activité professionnelle antérieure (pensions de retraite) (BOI-PAT-ISF-30-30-10-30 nos 10 s.).
Quant à la jurisprudence rendue par la Cour de cassation en matière de biens professionnels, elle a toujours subordonné le bénéfice du régime à l’exercice effectif de l’activité et a souvent fait le lien entre l’importance de l’activité effectivement exercée et la proportion des revenus procurés par ladite activité (Cass. com. 6-10-1998 n° 1489 ; Cass. com. 8-3-2005 n° 405 ;Cass. com. 14-11-2006 n° 1223).
La Cour de cassation s’en tient à la lettre du texte
4. L’approche de la Cour de cassation est ici différente. S’en tenant à une application strictement littérale de l’article 885 I quater du CGI, qui ne vise que l’exercice de l’activité principale dans la société comme salarié ou mandataire social, elle pose le principe que la perception d’une rémunération n’est pas nécessaire pour bénéficier de l’exonération partielle.
5. En se démarquant des critères exigés par la doctrine administrative (qui, on le rappelle, renvoie à ceux retenus en matière de biens professionnels), la solution offre une alternative intéressante aux dirigeantset aux associés de sociétés de personnes qui ne rempliraient pas les conditions requises pour bénéficier de l’exonération des biens professionnels.
Plus généralement, elle redonne de l’intérêt à cette exonération partielle en facilitant son application pour l’ensemble des mandataires sociaux (y compris ceux qui ne pouvaient de toute façon pas bénéficier de l’exonération des biens professionnels : gérants minoritaires de SARL et dirigeants de sociétés par action dont la participation est inférieure au minimum requis, administrateurs et membres du conseil de surveillance), qui peuvent donc prétendre à l’exonération partielle même en l’absence de revenus tirés de leur fonction.
Reste néanmoins bien sûr à justifier du caractère principal de l’activité exercée dans la société, question de fait qui dépend des circonstances de chaque espèce.