Participation aux acquêts : quel patrimoine d'affectation pour un bien successoral pour un quart ?
Cass. 1e civ. 31 mars 2016 n° 14-24.556
Seule figure au patrimoine d'origine la part du bien qu'un époux a reçue par succession à l'exclusion de ce qu'il a acquis de ses coïndivisaires ; en revanche, ce bien est inscrit pour sa valeur totale dans le patrimoine final s'il s'y trouve toujours au jour de la dissolution du régime.
Une femme, mariée en participation aux acquêts, recueille dans la succession de son père le quart indivis d'un immeuble puis acquiert les trois quarts restants. Après son divorce, elle vend le bien 180 000 €. Lors de la liquidation de leur régime matrimonial, le mari soutient que cet actif doit apparaître dans le patrimoine originaire de son ex-épouse pour un quart de sa valeur, soit 45 000 € et dans son patrimoine final pour le tout, soit 180 000 €. Les juges du fond considèrent au contraire que la valeur, au jour de son aliénation, de la totalité de l'immeuble relève de l'actif du patrimoine originaire de l'ex-épouse et qu'elle doit être exclue de son patrimoine final.
L'arrêt est censuré pour violation des règles définissant tant le patrimoine originaire (C. civ. art. 1570) que le patrimoine final (C. civ. art. 1572 et 1574).
La Cour de cassation rappelle que le patrimoine originaire comprend les biens qui appartenaient à l'époux au jour du mariage et ceux acquis depuis par succession ou libéralité, ainsi que tous les biens qui, dans le régime de la communauté légale, forment des propres par nature sans donner lieu à récompense (C. civ. art. 1570).
Or, les trois quarts indivis dont l'épouse a fait l'acquisition pendant le mariage ne constituent pas des propres par nature et n'ont pas été obtenus par succession ou libéralité.
Les Hauts Magistrats relèvent ensuite que font partie du patrimoine final tous les biens qui appartiennent à l'époux au jour où le régime matrimonial est dissous, estimés d'après leur état à l'époque de la dissolution du régime matrimonial et d'après leur valeur au jour de la liquidation de celui-ci. L'immeuble qui a été cédé après le divorce devait donc être inscrit au patrimoine final de l'épouse à hauteur de son prix de vente.
A noter
1. Pour justifier l'inscription de toute la valeur du bien litigieux au patrimoine d'origine de l'épouse, la cour d'appel a considéré que l'acquisition faite de la portion d'un bien dont un des époux était propriétaire indivis ne constituait pas un acquêt (C. civ. art. 1408) et qu'elle ne pouvait, en conséquence, faire naître aucune créance de participation au profit de l'autre époux.
Autrement dit, elle a assimilé le patrimoine d'origine dans une participation aux acquêts au patrimoine propre dans un régime de communauté et appliqué la règle selon laquelle la quote-part indivise d'un bien successoral acquise par un époux auprès de ses cohéritiers est un bien propre.
La Cour de cassation censure ce raisonnement en rappelant la lettre du texte. Outre les biens appartenant aux époux avant leur mariage, relèvent seuls du patrimoine d'origine :
- les biens reçus postérieurement par succession ou libéralité, en l'espèce un quart du bien, soit des droits évalués à 45 000 € ;
- les biens qui forment des propres par nature sans donner lieu à récompense. Sont notamment concernées les actions et indemnité en réparation d'un dommage corporel ou moral ainsi que les créances et pensions incessibles (C. civ. art. 1404). Ce n'est pas le cas des droits indivis acquis par un époux de ses cohéritiers : ils sont des propres par accessoire ; en outre, ils ouvrent droit à récompense si l'acquisition est financée avec de l'argent commun. Ces droits ne pouvaient donc pas figurer au patrimoine d'origine de l'épouse.
La cassation n'est pas une surprise, mais c'est, à notre connaissance, la première fois que la Cour de cassation se prononce sur ce point.
2. L'arrêt d'appel est cassé sur un autre motif, régulièrement retenu : les juges du fond ont délégué leurs pouvoirs au notaire alors qu'il leur incombait de trancher eux-mêmes la contestation dont ils étaient saisis. En l'espèce, ils avaient constaté que l'épouse revendiquait un mode d'évaluation des créances entre époux prétendument inscrit au contrat de mariage sans produire ce contrat et que l'extrait communiqué par le mari ne mentionnait pas cette disposition. Ils ont alors confié au notaire la charge de procéder, au vu du contrat de mariage, à la revalorisation des créances à porter à l'actif du patrimoine final de l'épouse et au passif du mari.