La rupture de pourparlers n’est pas abusive si le prix n’est pas encore fixé
Cass. com. 16 février 2016 n°13-28.448 (n° 165 F-D)
La rupture de négociations en vue de la cession d’un fonds de commerce n’est pas abusive si les parties ne sont pas d’accord sur le prix de cession. Il en est ainsi même si des documents ont été adressés au notaire chargé de rédiger l’acte.
L’exploitant d’un restaurant italien avait engagé des pourparlers en vue de la reprise de son fonds de commerce par l’exploitant d’un restaurant-salon de thé.
Le candidat à la reprise du fonds avait demandé des dommages-intérêts au propriétaire du fonds pour rupture abusive des négociations, estimant que en l'état de pourparlers assez avancés pour que les documents relatifs à la situation juridique et comptable du cédant du fonds de commerce soient communiqués au notaire chargé de rédiger l’acte, leur rupture brutale avait été fautive, et qu’il importait peu que le prix de cession n'ait pas été définitivement arrêté.
Sa demande a été rejetée. Seul l'abus dans l'exercice du droit de rompre les pourparlers peut donner lieu à indemnisation. Si des documents avaient bien été adressés à un notaire chargé de l'éventuelle rédaction des actes, il n'y avait cependant pas encore d'accord sur l'ensemble des éléments de la cession, notamment sur le prix, de sorte que les pourparlers n'étaient pas aussi avancés que le candidat à la reprise le prétendait et qu'aucun abus n'était démontré.
A noter : Si la rupture des pourparlers est en principe libre, la partie qui en prend l'initiative peut néanmoins engager sa responsabilité extra-contractuelle en cas de rupture fautive ou abusive. La question de savoir si la rupture est fautive ou non constitue essentiellement une question d'espèce et les tribunaux se prononcent au cas par cas. Ils prennent notamment en compte le caractère avancé des pourparlers (Cass. 1e civ. 14-6-2000 n° 98-17.494) ou le fait pour l'auteur de la rupture d'avoir entretenu son partenaire dans la croyance d'une conclusion du contrat projeté (Cass. com. 22-2-1994 n° 91-18.842).
L’arrêt ci-dessus est dans le droit fil de cette jurisprudence : les parties au projet de cession de fonds de commerce n’étaient pas arrivées lors des négociations à se mettre d’accord sur le prix, élément essentiel dans toute vente, de sorte que les pourparlers n’étaient pas avancés.
Soulignons que la réforme du droit des contrats intègre cette jurisprudence dans le Code civil : il est prévu que l’initiative, le déroulement et la rupture des relations précontractuelles sont libres et doivent satisfaire aux exigences de la bonne foi (art. 1112 nouveau).