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Saisie d’un immeuble dont la déclaration d’insaisissabilité du débiteur est inopposable au créancier

Cass. com. 5 avril 2016 n° 14-24.640

Un créancier, titulaire d'une sûreté réelle, à qui la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble appartenant à un entrepreneur en liquidation judiciaire est inopposable, peut faire procéder à sa vente sur saisie, sans devoir suivre les règles de la procédure collective.

La résidence principale de l’entrepreneur individuel est insaisissable ; celui-ci peut, devant notaire, déclarer insaisissable tout autre bien foncier bâti ou non bâti qu'il n'a pas affecté à son usage professionnel. Cette déclaration, publiée au fichier immobilier, n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent après sa publication, à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant (C. com. art. L 526-1, al. 1 et  2).

En outre, un entrepreneur en liquidation judiciaire qui a effectué une déclaration d’insaisissabilité peut l’opposer à la procédure dès lors qu’elle a été publiée avant le jugement d’ouverture (Cass. com. 28-6-2011 n° 10-15.482).

La Cour de cassation a précisé qu’un créancier, titulaire d'une sûreté réelle, à qui la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble appartenant à un entrepreneur en liquidation judiciaire est inopposable, peut faire procéder à sa vente sur saisie, sans devoir suivre la procédure prévue à l’article L 643-2 du Code de commerce. En effet, cette procédure ne concerne que le cas où un créancier se substitue au liquidateur judiciaire n'ayant pas entrepris la liquidation des biens de l'entrepreneur grevés d’un privilège dans les trois mois du jugement de liquidation judiciaire et non celui où le liquidateur est légalement empêché d'agir par une déclaration d'insaisissabilité qui lui est opposable. Il en résulte que le créancier n'a pas à être autorisé par le juge-commissaire pour faire procéder à la saisie de l'immeuble (C. com. art. R 642-22), celle-ci n’étant pas, en ce cas, une opération de liquidation judiciaire.

Par suite, a été censurée la décision d’une cour d’appel, qui avait radié le commandement de saisie de l’immeuble d’un entrepreneur en liquidation judiciaire délivré par un créancier titulaire d’une hypothèque et auquel la déclaration d’insaisissabilité de ce bien était inopposable, après avoir retenu que ce créancier aurait dû saisir le juge-commissaire de sa demande de vente aux enchères publiques.

A noter : En l’espèce, l'entrepreneur avait été mis en liquidation judiciaire après avoir fait publier une déclaration d’insaisissabilité de son immeuble, de sorte que la déclaration d’insaisissabilité était opposable à la procédure collective. Cette déclaration était en revanche inopposable au créancier dont la créance était née avant et qui avait obtenu contre lui une condamnation en paiement avant l’ouverture de la procédure collective. Après l’ouverture de cette procédure, le créancier avait inscrit une hypothèque judiciaire sur l’immeuble déclaré insaisissable, puis il avait signifié à l'entrepreneur un commandement valant saisie de l’immeuble.

Il résulte de la décision de la Cour de cassation que, dans le cas où la déclaration d’insaisissabilité de l’immeuble est opposable à la procédure collective, ce bien n’entre pas dans le périmètre de la liquidation judiciaire. Un créancier hypothécaire auquel cette déclaration est inopposable peut donc saisir le bien. Il n'est pas soumis au principe d'interruption des poursuites individuelles prévu par le droit des procédures collectives, y compris pour les saisies immobilières (C. com. art. L 622-21, I-2°), puisque le bien est hors du champ de la procédure collective. Pour la même raison, il n’est pas concerné par la procédure de l’article L 643-2 du Code de commerce, par laquelle un créancier se substitue au liquidateur judiciaire défaillant pour faire entrer le prix de cession du bien vendu dans l'actif de la liquidation, afin qu’il soit partagé entre les créanciers privilégiés, selon leur rang.

Avant la loi « Macron » du 6 août 2015, l’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel était aussi soumise à déclaration devant notaire (C. com. art. L 526-1, al. 1 ancien). En pratique, la présente décision est par conséquent applicable aux créanciers auxquels est inopposable une déclaration d’insaisissabilité :

  • - d’une résidence principale, faite avant le 8 août 2015, les déclarations d’insaisissabilité antérieures à la loi « Macron » continuant à produire leurs effets (Loi 2015-990 art. 206, IV-al. 1) ;
  • - d’un autre bien foncier, antérieure ou postérieure à la loi « Macron ».