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Assurance-vie souscrite par un époux commun en biens : le capital perçu par le conjoint est propre

Cass. 1e civ. 25 mai 2016 n° 15-14.737

Le bénéfice de l'assurance-vie souscrite par un époux commun en biens en faveur de son conjoint constitue un propre de dernier, peu important que les primes aient été payées par la communauté.

Un époux marié sous le régime de la communauté souscrit deux contrats d'assurance-vie en désignant son épouse pour seule bénéficiaire. Le souscripteur-assuré décède, laissant pour lui succéder son conjoint et ses descendants. Lors de la liquidation de la succession, des descendants demandent que le capital versé au conjoint en exécution des contrats d'assurance-vie soit réintégré à l'actif de la communauté, de sorte que la moitié s'en retrouve dans la succession. Ils sont déboutés en appel.

 La Cour de cassation rejette le pourvoi mais avec une substitution de motifs : il résulte de l'article L 132-16 du Code des assurances que le bénéfice de l'assurance-vie souscrite par un époux commun en biens en faveur de son conjoint constitue un propre de ce dernier, peu important que les primes aient été payées par la communauté.

À noter 
La cour d'appel avait retenu un autre fondement en se plaçant sur le terrain des primes. Elle rappelait que les règles du rapport à succession et de la réduction pour atteinte à la réserve héréditaire ne s'appliquent pas au capital d'assurance-vie, mais seulement aux primes versées par le souscripteur si elles ont été manifestement exagérées eu égard à ses facultés (C. ass. art. L 132-13). Relevant qu'en l'espèce, il n'était pas démontré que les primes aient été excessives, elle en concluait que le capital n'avait pas à être réintégré à l'actif commun. 

Le raisonnement était faux car la question ne portait pas sur le sort des primes mais sur celui du capital. A cet égard, il faut distinguer deux situations. 

Première situation, le capital est versé au conjoint bénéficiaire parce qu'il survit au souscripteur. Il est expressément prévu que « le bénéficie de l'assurance contractée par un époux commun en biens en faveur de son conjoint constitue un propre pour celui-ci » (C. ass. art. L 132-16, al. 2). La solution s'imposait donc. 

Sur le terrain des primes, le texte précise qu'aucune récompense n'est due à raison des primes payées par la communauté, à moins que ces primes aient été manifestement exagérées (C. ass. art. L 132-16, al. 2). Rappelons que cette dispense de récompense ne vaut que si le contrat se dénoue effectivement au profit du conjoint ; elle ne joue pas lorsque ce dernier est désigné bénéficiaire de premier rang mais que, en raison de son prédécès au souscripteur, le contrat se dénoue au profit d'un bénéficiaire de rang subséquent (Cass. 1e civ. 19-12-2012 n° 11-21.703 ; Cass. 1e civ. n° 22-5-2007 n° 05-18.516 , dans cette affaire, le conjoint était décédé après le souscripteur mais avant d'avoir accepté le bénéficiaire de l'assurance-vie). 

Seconde situation, le capital n'est pas versé au conjoint bénéficiaire car il décède avant l'époux-souscripteur. L'article L 132-16 faisant du contrat un propre du conjoint bénéficiaire n'est donc pas applicable. Si un autre bénéficiaire est désigné (soit en rang subséquent à celui du conjoint, soit à la suite d'une modification de la clause bénéficiaire), le contrat lui bénéficiera au décès du souscripteur. Dans le cas contraire, c'est-à-dire à défaut de bénéficiaire désigné, le contrat tombera dans la succession du souscripteur. Au plan civil, la valeur des contrats non dénoués est un actif commun (de même qu'en cas de dissolution par divorce : Cass. 1e civ. 31-3-1992 n° 90-16.343, Praslicka), se retrouvant pour moitié dans la succession de l'époux prémourant. Au plan fiscal, une récente réponse ministérielle est venue exonérer les contrats de droits de succession (Rép. Ciot : AN 23-2-2016 p. 1648 n° 78192).