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L’engagement d’un salarié actionnaire de céder ses titres à un prix minoré s’il est licencié est valable

Cass. com. 7 juin 2016 n° 14-17.978

Est licite l’engagement d’un actionnaire salarié de céder à un prix minoré ses actions s’il est licencié dès lors qu’il est la contrepartie d’un processus d’intéressement du salarié et que, applicable à tout licenciement, il ne sanctionne pas une faute de celui-ci.

Le directeur commercial d’une SA, dont il était salarié et actionnaire, avait reçu gratuitement d’autres actions de la SA (C. com. art. L 225-197-1). Par un pacte d’actionnaires signé avec la société mère de la SA et en présence de cette dernière, il s’était engagé irrévocablement à céder la totalité de ses actions en cas de perte de sa qualité de salarié pour quelque cause que ce soit ; les modalités de détermination du prix de cession variaient selon les circonstances dans lesquelles prendrait fin le contrat de travail : ainsi le pacte prévoyait qu'en cas licenciement autre que pour faute grave ou lourde, le prix des actions serait fixé à dire d'expert et qu'une décote de 50 % serait appliquée.  Trois ans plus tard, le directeur avait été licencié et son licenciement déclaré sans cause réelle et sérieuse par un tribunal prud’homal. Après fixation du prix des actions à 155 000 € par un expert, la SA avait versé à son ancien salarié 77 500 €. Ce dernier avait alors contesté la validité du pacte d’actionnaires et réclamé le solde du prix.

La Cour de cassation a rejeté cette demande.

D’une part, l’ancien salarié ne pouvait pas utilement soutenir que son engagement de rétrocéder ses actions à un prix minoré en cas de licenciement trouvait sa cause dans l’imputabilité du licenciement et que cette cause n'était pas licite. En effet, la clause prévoyant la décote de la valeur des actions en cas de licenciement participait de l'équilibre général du contrat et s'inscrivait dans un processus d'amélioration de la rémunération de l'intéressé mais également d'association à la gestion et d'intéressement au développement de la valeur de l'entreprise, en contrepartie de son activité au profit de cette entreprise ; la cause de l’engagement n'était donc pas illicite.

D’autre part, contrairement à ce que soutenait l’intéressé, la clause qu'il avait conclue avec la société mère de son employeur ne s’analysait pas en une sanction pécuniaire prohibée par le Code du travail car elle ne visait pas à sanctionner un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif mais s’appliquait également dans toutes les hypothèses de licenciement autre que disciplinaire.

A noter : Cette décision, rendue après avis de la chambre sociale de la Cour de cassation, est d’une grande importance pratique car la clause ici validée est fréquente.

Le pacte d’actionnaires doit satisfaire aux conditions de validité de tout contrat ; notamment, il doit avoir une cause et celle-ci doit être licite (C. civ. art. 1108 et 1131). 
Jugé par exemple que le pacte faisant obligation aux actionnaires salariés signataires de céder, s’ils étaient licenciés, leurs titres en priorité aux autres actionnaires salariés, trouvait sa cause dans la volonté d’établir une procédure de sortie de la société tout en maintenant la répartition entre actionnaires salariés et actionnaires mandataires sociaux (CA Paris 18-10-2005 n° 04-4322).
La solution n’est pas remise en cause par la réforme des contrats qui sera applicable aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016. En effet, si la réforme a supprimé l’exigence de la cause, elle impose que le contenu du contrat et notamment son but soient licite (C. civ. art. 1128, 3e et 1162 issus de l’ord. du 10-2-2016). 

L’article L 1331-2 du Code du travail interdit à l’employeur d’infliger des amendes ou autres sanctions pécuniaires à ses salariés, toute disposition ou stipulation contraire étant réputée non écrite. Par exemple, la clause d’un plan de stock-options qui prive le salarié de la faculté de lever les options en cas de licenciement pour faute grave constitue une sanction pécuniaire prohibée (Cass. soc. 21-10-2009 n° 08-42.026). Pour qu'elle produise effet, la clause prévoyant la privation ne doit pas faire référence à la notion de faute.
En l'espèce, la clause s'appliquait également en cas de licenciement non disciplinaire et elle n'avait donc pas un but spécifique de sanction.

L’arrêt apporte une autre précision. La cour d'appel avait estimé que la clause critiquée ne tombait pas sous le coup de la prohibition de l'article L 1331-2 du Code du travail car elle figurait dans un pacte liant le salarié à une société qui n'était pas son employeur. En y substituant un motif de pur droit qui fait référence à cette circonstance, la Cour de cassation affirme clairement que les règles du droit du travail s'appliquent à un pacte d'actionnaires passé entre un salarié et la société mère de son employeur pour ce qui concerne les conditions de cession des actions.