La sanction du franchissement de seuil de concert non déclaré dépend de la participation au capital
Communication Ansa, comité juridique n° 16-016 du 6 avril 2016
En cas d’action de concert non déclarée, la privation des droits de vote porte sur le seul seuil franchi de concert et elle est proportionnelle à la participation de chacun des concertistes au capital.
1. L’actionnaire qui n’a pas déclaré le franchissement d'un seuil de participation énuméré à l’article L 233-7, I du Code de commerce (5%, 10 %, 15 %, etc.) est privé des droits de vote attachés aux actions excédant la fraction non déclarée pour toute assemblée qui se tient pendant les deux ans suivant la date à laquelle il régularise le défaut de déclaration (C. com. art. L 233-14, al. 1). Les personnes agissant de concert sont tenues solidairement de déclarer les seuils qu’elles franchissent ensemble (C. com. art. L 233-10, III).
L'Association nationale des sociétés par actions (Ansa) a été saisie du cas suivant : deux actionnaires d’une société cotée déclarent séparément les seuils respectifs de 10 % (détention de 11 %) et 5 % (détention de 6 %). Par la suite, ils concluent une action de concert, ce qui les fait franchir ensemble le seuil de 15 %, mais ils ne font pas de déclaration de franchissement de seuil. Ils procèdent tardivement à une régularisation, sans contester la date du concert. Quels seuils auraient dû faire l’objet d’une déclaration et sur quelles actions doit porter la privation du droit de vote ? Comment appliquer la sanction entre les concertistes ?
Quels seuils devaient être déclarés par les concertistes ?
2. La majorité du Comité juridique considère que la formation d’un concert ne remet pas en cause les effets des déclarations individuelles antérieures régulièrement faites par les actionnaires avant leur mise en concert (application de la solution dégagée dans l’affaire Hyparlo : Cass. com. 26-3-2008 n° 06-20.156). En conséquence, seul le seuil de 15 %, nouveau seuil franchi de concert, devait faire l’objet d’une déclaration et seules les actions qui excèdent ce seuil sont privées de droit de vote (en l’occurrence 2 %), sauf si d’autres actions ont été acquises entre la date du franchissement de seuil et celle de la régularisation, auquel cas ce sont les actions détenues à cette dernière date qui devraient faire l’objet d’une privation pendant les deux ans qui suivent (dans ce sens, Communication Ansa comité juridique n° 12-028 du 4-4-2012).
3. La majorité du comité juridique de l’Ansa abandonne ainsi l’interprétation qu’il avait émise en 1999 (Communication Ansa comité juridique n° 3010-10 du 3-2-1999) où il estimait que les déclarations faites par les actionnaires ayant individuellement franchi un seuil ne dispensaient pas ceux-ci de les réitérer lorsqu'ils entraient dans un concert, du fait de la nouvelle situation en résultant. A compter de la constitution du concert, ils étaient donc tenus solidairement de déclarer à nouveau tous lesfranchissements de seuils qu’ils avaient effectués lorsqu’ils agissaient « seuls », même si aucune nouvelle action n’avait été acquise, peu important que les déclarations individuelles aient été régulièrement faites avant la constitution du concert. Cette interprétation est confortée par le formulaire type de déclaration de franchissement de seuils établi par l’AMF qui prévoit que tous les seuils franchis par un actionnaire doivent être déclarés et non pas uniquement le plus élevé. Dans l’exemple ci-dessus, la privation des droits de vote aurait alors dû porter sur les actions excédant le premier seuil franchi par le concert et non déclaré (c’est-à-dire le seuil de 5 %), tous les franchissements de seuils ayant été irrégulièrement déclarés, hors délai.
4. Une minorité de membres du comité retient une troisième interprétation : le concert entraîne bien une situation nouvelle au niveau de chacun des concertistes pris individuellement, mais il n’y a lieu de déclarer que les nouveaux franchissements de seuils individuels résultant de la mise en concert. Dans l’exemple, il aurait donc fallu déclarer aussi le seuil de 10 % franchi par le concertiste détenant 6 %, en plus du seuil de 15 % franchi collectivement du fait du cumul des participations des membres du concert.
Comment appliquer la sanction entre les concertistes ?
5. L’article L 233-14 du Code de commerce ne précise pas comment appliquer la sanction entre les concertistes. Faut-il calculer le nombre d’actions privées du droit de vote et appliquer la sanction en proportion de la participation de chacun dans le capital ? Ou la solidarité prévue pour l'obligation de déclaration entre les personnes agissant de concert (C. com. art. L 233-10, III) rejaillit-elle sur la sanction en entraînant une privation de droits de vote uniforme pour tous les concertistes défaillants (nombre total d’actions privées du droit de vote divisé par le nombre de concertistes ; T. com. Nîmes 18-2-1992) ?
Pour le Comité juridique de l’Ansa, à défaut de précision dans la loi et en particulier de solidarité dans la sanction, la méthode la plus logique pour appliquer la privation de droit de vote entre les concertistes est de répartir celle-ci entre eux à proportion de la participation de chacun à la date à laquelle le concert a été formé et l'obligation déclarative est née. Si l'on prend l'exemple ci-dessus, où les concertistes détiennent respectivement 11 % et 6 % de participation, le premier, qui détient 64,71 % des 17 % de participation, perdra 1,29 % en droit de vote.
6. L’article L 233-10, III n'édicte pas de solidarité en matière de sanction pour défaut de déclaration et l’Ansa estime que la privation de droit de vote ne semble donc pouvoir être appliquée que proportionnellement à la part du capital détenue par chaque actionnaire concertiste ; l’Ansa relève aussi que, par analogie, la règle proportionnelle est retenue en matière d’exercice des droits de vote et de répartition du bénéfice, sauf clause contraire des statuts, ou encore de calcul des droits préférentiels de souscription.
Certains membres du comité juridique ont toutefois fait remarquer que la solution la plus compatible avec la réponse donnée à la première question serait de ne pas faire porter la suppression du droit de vote sur des actions qui ont fait l’objet d’une déclaration individuelle régulière et d’appliquer la répartition proportionnelle uniquement sur le nombre de titres excédant la fraction qui a été déclarée régulièrement (soit 10 % et 5 %) et individuellement ; dans l'exemple, chacun serait ainsi privé de 1 % de droit de vote.