Rupture de relations commerciales établies : elle peut être brutale même si elle était prévisible
Cass. com. 6-9-2016 n°14-25.891
Une rupture de relations commerciales établies peut être brutale même si elle était prévisible, dès lors que la volonté de rompre ne s’est pas manifestée expressément.
Le caractère prévisible de la rupture d’une relation commerciale établie ne prive pas celle-ci de son caractère brutal si elle ne résulte pas d’un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis.
La Cour de cassation a été conduite à énoncer ce principe dans l’affaire suivante.
Un importateur qui s’approvisionnait auprès d’une centrale d’achats depuis 2003 avait cessé ses commandes en 2010. S’estimant victime d’une rupture brutale de relations commerciales établies, la centrale d’achats avait demandé la réparation de son préjudice sur le fondement de l’article L 442-6, I-5° du Code de commerce.
L’importateur avait fait valoir que la rupture était prévisible depuis deux ans et qu’elle ne pouvait donc pas être brutale. Selon lui, un échange de correspondances datant de 2008 démontrait que la centrale d’achats savait que l’importateur prévoyait de ne plus s’approvisionner auprès d’elle : par un premier courriel, le dirigeant de la centrale avait indiqué à l’importateur qu’il avait appris avec tristesse sa décision de les quitter et, dans un autre courriel, il lui précisait qu’il n’avait d’autre choix que de s’orienter vers d’autres partenaires.
Les arguments de l’importateur ont été rejetés et sa responsabilité reconnue dès lors qu’il avait cessé ses approvisionnements auprès de la centrale d’achats du jour au lendemain, sans lui adresser ni lettre de rupture ni préavis écrit.
A noter : Cette décision s’inscrit dans le droit-fil de la jurisprudence qui exige un acte manifestant l’intention de ne pas poursuivre la relation commerciale, permettant de considérer qu’il y a rupture et de faire courir le délai de préavis (Cass. com. 6-6-2001 n° 99-20.831 et Cass. com. 15-1-2013 n° 12-17.553, décisions relatives au délai résultant d’un appel d’offres). La seule perspective d’une rupture, qui n’aurait été ni formalisée par écrit par son auteur ni assortie d’un délai précis permettant à l’autre partie de s’organiser en conséquence, ne saurait donc suffire à écarter la responsabilité de l’auteur de cette rupture.