Un gérant non exonéré de sa responsabilité pénale par une délégation de pouvoirs
Cass. crim. 8 septembre 2015 n° 14-83.053
Le gérant d'une société de travaux publics poursuivi pour infraction aux règles de sécurité des travailleurs n'est pas exonéré de sa responsabilité pénale par une délégation concernant la signalisation des chantiers, étrangère aux questions de sécurité.
Le gérant d'une société de travaux publics avait délégué à un salarié l'application des règles en matière économique et commerciale, en matière de signalisation de chantiers (accomplissement des formalités relatives à la déclaration de commencement des travaux et à la mise en place des dispositifs légaux concernant la signalisation) et dans certains domaines du droit social (embauche et détermination des conditions de travail, tel le respect du temps de travail et du temps de pause).
Le gérant avait été poursuivi pour blessures involontaires et infraction aux règles de sécurité des travailleurs à la suite d'un accident dont un ouvrier avait été victime sur un chantier. Il faisait valoir que la délégation consentie en matière de signalisation de chantiers recouvrait le domaine de l'hygiène et de la sécurité et l'exonérait de sa responsabilité pénale.
Cet argument a été écarté : le champ de la délégation concernait seulement la signalisation et non le domaine de la sécurité.
A noter : 1° Une délégation de pouvoirs n'exonère le chef d'entreprise de sa responsabilité pénale que si elle est précise et dépourvue d'ambiguïté. Notamment, une mission générale de surveillance et d'organisation des mesures de sécurité sur les chantiers, précisée dans le contrat d'engagement d'un directeur de travaux, ne peut pas valoir délégation de pouvoirs à défaut d'instructions plus précises (Cass. crim. 28-1-1975).
En l'espèce, la délégation visait un domaine (la signalisation des chantiers) étranger aux questions de sécurité et était donc inopérante. De même, un dirigeant poursuivi pour fraude fiscale n'a pas été admis à se prévaloir d'une délégation donnée au directeur financier « pour effectuer toutes les démarches afférentes à la gestion de l'entreprise dans les domaines suivants : comptable, fiscal, social et juridique » car son champ d'application, très limité, ne concernait que l'accomplissement de discussions, de recherches d'informations ou de conseils (Cass. crim. 23-5-2007).
2° Le gérant poursuivi soutenait également que la délégation avait été étendue de fait aux questions de sécurité par la convention collective des travaux publics. Cet argument a été également écarté car la clause conventionnelle invoquée, qui décrivait de façon générale l'activité de management, était imprécise.
Si la délégation n'est soumise à aucune forme particulière, elle doit être cependant certaine. Un dirigeant ne peut donc pas s'exonérer de sa responsabilité en invoquant une délégation orale sans produire aucun élément à l'appui de ses allégations (Cass. crim. 11-3-1993). De même, un dirigeant hospitalisé au moment des faits à l'origine des poursuites n'a pas pu se prévaloir utilement d'une délégation « de fait » accordée aux cadres de l'entreprise en l'absence d'écrit (Cass. crim. 7-6-2006).